Formidable, oui dit Alice qui ne peut résister à l'odeur.
Dès que je hume l'odeur du gâteau de Savoie, Alice le sent, Marianne aussi qui a des choses à dire sur ma chantilly.
Il y a à redire mais j'ai fait avec ce que j'avais sous la main.
- Facile ce prétexte, dit Marianne, le mauvais ouvrier
- a les mauvais outils termine Alice.
C'est sûr, elles m'en veulent, je suis partie au soleil, je suis partie voir mes amis, qui ne sont pas les leurs.
Bien que nous soyons connectées en permanence, elles et moi, ma vie est leur vie mais leurs vies sont contenues dans la mienne.
Alors comment se fait-il que?
Mystère.
N'empêche, le gâteau est dans le réfrigérateur où il occupe à lui seul tout un étage, et j'ai enlevé une grille pour qu'il soit à l'aise.
Rachel Lehmann a fait les cébettes au beurre, j'ai fait le caviar d'aubergine.
Alors allez-y Alice et Marianne, dites-le.
- D'abord, dit Marianne souriante, je ne vous en veux pas, ça fait du bien de sentir l'air du large, et le thym en fleur qui est l'iode de la Provence, moi j'aime ça. Mais vous devriez savoir que la crème allégée, même quand elle est liquide ne permet jamais d'arriver à une crème chantilly.
- Je m'en suis rendue compte, mais j'ai encore une excuse,
- Ah oui dit Alice?
- Ah oui, réponds-je, on est loin de tout ici, on ne sort pas pour une bouteille de crème oubliée. J'aime l'entier, je n'achète jamais d'allégé, c'est donc la première fois que j'ai lu la composition de la chose, découvrant ainsi une répartition incongrue, à mes yeux, 56% de crème et le reste entre conservateur, épaississant, stabilisateur. Cette crème n'est pas très fraîche.
Je m'en suis sortie tout de même...
Allez, disent Alice et Marianne, on va la donner cette recette:
Le Gâteau Formidable
Un gâteau de Savoie, ou une génoise dit Marianne, moi je fais la génoise, c'est plus stable.
un gâteau de Savoie, continue Alice avec 6 œufs, un verre de sucre, un verre de farine, et pas les 250g de sucre des recettes classiques ni les 200 g de farine et fécule ou maïzena.
Un verre: 150 g de sucre, et à peu près autant de farine.
Le gâteau refroidi (démoulez sur une grille, c'est le mieux), coupez-le en deux.
Pendant qu'il cuisait, vous avez monté une chantilly, (ah! ah!) avec de la crème liquide, grasse ne contenant que de la crème de lait, la plus ordinaire, la moins raffinée.
Quand elle est presque montée, mettez un peu de sucre, environ 50 g, pas plus, et ajoutez ce qui vous plaira de fromage blanc, gras.
- Moi, dit Marianne, j'en mets environ 500 grammes.
- Ah oui, dit Alice, moi c'est pareil.
- Et moi donc! Elles se tournent vers moi, surprises, comme si mon intervention était incongrue! Eh! Oh! Faut pas exagérer! C'est moi qui l'ai fait ce gâteau-ci!
- Bon, disent-elles, revenons à la recette.
- Votre base de crème est terminée, il ne reste plus qu'à y mélanger délicatement les fraises, en saison, bien sûr, précise Marianne.
Je mets mon grain de sel, non mais:
- Si c'est la saison mais que les fraises ne sont pas très mûres, coupez-les une heure avant en morceaux, arrosez d'un jus de citron et saupoudrez de cassonade, pas plus de 20 grammes.
Si ça n'est pas la saison, remplacez-les par des framboises congelées, des brisées, c'est très bien, elles sont moins chères et noyées dans la crème, ça ne se voit pas. Vous pouvez toujours en sauver quelques-unes de belle allure pour les poser sur le gâteau en finition.
Marianne et Alice approuvent avec le sourire, on se sent entre nous, on partage ça, même quand on est un peu en froid, hein!
Elles opinent, et j'opine itou.
Quand vous avez terminé le mélange délicat de la crème et des fruits, le gâteau a bien refroidi.
Sur une moitié, répartissez la moitié de la crème en couche épaisse, posez l'autre moitié dessus, recouvrez-là du reste, et des quelques fruits conservé pour la décoration.
Mettez au frais.
- On peut le faire le matin pour le soir ,dit Alice.
- Oui, dit Marianne, parce que la pâte a besoin de boire la crème, de s'imbiber des goûts.
Et moi je dis, le lendemain, il est encore meilleur, mais plus aussi présentable.
Voilà, c'était le gâteau formidable.
Et je conclus en disant que je l'appelle le gâteau des copains, parce qu'il évoque l'enfance, et les tablées d'amis qui poussent des cris de joie en voyant arriver cet énorme gâteau couvert de crème et de fruits.
Nous ne sommes plus des enfants, mais quand arrive ce dessert, on se réjouit parce que nous savons qu'il est léger, léger, peu sucré, aérien et qu'on fait semblant de croire qu'on est capable de tout manger en s'en mettant plein les doigts et la figure,comme autrefois.