On dirait Marlène et Gabin
- Très cher, dit Braise, très tendue, à la momie qui l'accompagne, vous êtes sûr?
- Oui, répond une voix sourde sous les bandelettes, je veux voir ce que vous voyez.
- Jamais vous ne verrez ce que je vois.
- Je sors c'est tout.
- Dracula, ce n'est pas prudent.
- En effet, c'est ainsi que je survis depuis quelques siècles.
- Vraiment, dit Braise, c'est stupide de votre part.
- Non, non, vous aviez raison, je ne sais pas de quoi je parle, je suis confit dans mes habitudes de rapace nocturne. Je vais voir le plein jour et je pourrai juger.
- Je vous le dis encore, c'est un risque inutile.
- Je suis couvert jusqu'aux yeux, jusqu'à des lentilles au cas où je perdrais mes lunettes de soleil.
- Et vous êtes ridicule en homme invisible.
Dracula éclate de rire, la dispute tourne à l'amusette
- Parce que je suis déguisé? Vous voilà bien casanière ? Ridicule ?
Braise le regarde longuement et lui dit de sa voix de tragédienne blessée, celle de Phèdre qui ne veut pas avouer à Œnone qu'elle aime Hippolyte, celle d'Andromaque, cette emmerdeuse, quand elle imprèque sur la tombe d'Hector:
- Très cher, je regrette chaque mot de cet entretien, c'est moi qui suis stupide, et ridicule.
Comme vous je dors le jour, je vis la nuit.
Je vous en prie, quittons ce malentendu, rentrons chez vous.
- Sans que jamais Drakul ne puisse voir le jour?
- Que le jour recommence et que le jour finisse
Sans que jamais Drakul par le soleil périsse
- Racine pour moi, même massacré, c'est trop d'honneur.
Mais Braise a gagné, ils sont repartis vers la nuit.