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Marité de Vos K
29 décembre 2010

Je n'ai pas le Temps

- Le temps... dit Dracula sur un ton alangui.

A demi allongé sur un divan bas, dans le salon atelier de l'Appartement, il joue vaguement avec un des Issus que je lui enlève, ce ne sont pas des jouets.


Dracula me déçoit.

- La neige en hiver, c'est normal.

Il a l'air tellement fatigué. S'il n'était pas si beau, ses yeux noirs étincelants, ses lèvres pulpeuses, le nez droit, le front clair et ce teint lumineux, jamais blafard malgré qu'il soit mort depuis, depuis...  S'il n'était pas si beau il ferait peine à voir.
Je me demande à quoi il a passé sa nuit, je m'inquiète.

- Et Braise ?

- Braise dort.

Il dit ça avec un sourire stupide qui me rassure. Le sourire fat, le voici. Pour la première fois j'utilise ce mot désuet, mais c'est bien un sourire fat qui enlaidit le bien joli Dracula.

Bon, ils vont bien ces deux-là, ce n'est pas une raison pour lancer des conversations stupides sur le temps qu'il fait.

- Je ne parlais pas de ce temps-là dit Dracula.

J'oublie toujours qu'ils peuvent entendre mes pensées, ça amuse monsieur qui précise,

- Le Temps. Ce soit-disant Temps de la soit-disant Éternité, Saturne, Chronos, la Faucheuse et toute cette mythologie de bazar, mais tout de même le Temps ?

Ah, ce Temps ! C'est moi l'idiote pour le coup.

- Je ne crois pas à son existence, ce n'est qu'une invention contingente. Pour des raisons commerciales, il fallait bien arriver à faire marcher le monde au pas cadencé. Alors, ils ont inventé le Temps, qui passe, pour tout le monde à la même heure. Le Temps qui encadre la vie, il fallait maîtriser ça aussi, un début, une fin, et personne n'est responsable de rien, de la naissance à la mort, c'est le Temps qui impose sa Loi.
Tu parles! Le Temps n'est rien.

Dracula sourit, toute fatigue effacée, je sais ce qu'il pense moi aussi.
Il est la preuve que le Temps n'existe pas. Ce qui existe c'est le sang, c'est Braise, et la vitalité de leur désir poignant et leur amour comme un oiseau palpitant.

Je n'ai pas le Temps, le Temps ne m'a pas


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20 décembre 2010

Bon sang mais c'est bien sûr !

Un vieux machin se tenait devant moi, tête baissée, mains nouées, tout son corps crispé témoignait de sa confusion.

Il venait de nulle part chez moi, d'aucun manuscrit, d'aucun rêve, rien.

- Pourquoi êtes-vous ici?

- Mais chère petite, (crétin pensai-je très fort et il n'entendit rien, preuve qu'il n'était pas de moi) je suis partout chez moi quand arrivent les fins décembre.

- Genre la neige ?

- Oui, dit-il en relevant la tête, croyant en ma bonne volonté, sauf que moi je tombe partout, même en Californie par exemple.

- Vous êtes une sorte de Père Noël ?

Il s'épanouit dans un tourbillon, passant d'un coup du vieux bonhomme étriqué en costume sombre à un monstrueux obèse rubicond en drap rouge bordé de fourrure de bébé phoque.

- Ah, mon enfant, tu te souviens donc de moi.

- Pas de vous monsieur, non, je ne me souviens pas.

Il ne savait plus quoi dire, il se dégonfla dans la seconde, son costume toutefois ne disparut pas. Il était ridicule, son habit trop grand l'entourait comme un paquet cadeau mal ficelé et lui, piteux, ne savait comment sortir de son embarras.

Je décidai de lui expliquer la chose, car je fus une gentille petite fille.

- Le vrai Père Noël, mon vieux, personne ne l'a jamais vu. Celui auquel je crois encore malgré tout, est invisible et bienveillant. Il donne des preuves, c'est très mieux, voire extrêmement formidable, que les protestations oratoires. On appelle ça des cadeaux.

- Donnez-moi une chance, tenta l'imposteur.

- OK bonhomme. Je voudrais une pince à œillets, avec des œillets.

- Pas de problème.

- Et pas une merdouille bradée sur Internet, une vraie, du matériel de pro, pour faire des beaux trous ourlés de métal inoxydable et brillant.

- Ah oui. Bon.

- Et pas non plus une plaisanterie à la mords-toi l'nœud, comme un bouquet d'œillets avec une pince à épiler.

A la tête qu'il fit, je vis qu'il avait compté me rouler dans la farine.

- Voilà mon gars, à toi de jouer.

Pfft et pfft, il se dissipa dans l'air chargé de doute.

N'empêche, maintenant, je l'attends ma pince à œillet...


11 décembre 2010

Enigmatiques

Au prétexte qu'ils viennent du même manuscrit que les Issus, ils refusent d'attendre l'hypothétique tour de mon bon vouloir.

Les Minuscules veulent paraître.

Un_mariage_d_amour

Un mariage d'amour à Minusville


10 décembre 2010

Où est Poussin ?

.Le Grand Ça-Qui-Pousse m'a été délégué par la force de la Chose, autrement nommée Inertie et dans mon cas Exécution: j'ai fait.

moust_et_soleil_bien

La Marcelle en moi avait raison, il fallait des moustaches.

Aussi les bébés, dont je ne sais pas encore lesquels auront des yeux mais aucun n'aura de bouche.

bob_b_s_moustache
Les braillards silencieux


Sauf s'ils doivent parler.

Plaisir trouble de croire, le temps que ça dure, que cela se fait parce que cela doit se faire, je ne serais que le médium.
Mais je fais.

Les trois manquants des douze sont bientôt prêts aussi.

les_3__pingl_s

Trois Frankenstein attendant l'étincelle

Il me semble qu'il manque deux adolescents traînant l'unique rue du village, dormant dans la salle d'étude, chauffée nuit et jour.

J'ai leur image dans la tête, j'ai cherché en vain jusqu'à présent leur matériau, deux autres donc,  seuls.
Je ne sais rien pour l'heure de leur état civil, ils me le diront.

L'un d'eux me souffle à l'instant qu'il est surnommé Poussin, et qu'il n'a que sept ans.
Ah bon.

Et l'autre ne dit rien mais je sais que c'est une petite fille, elle a cinq ans.

Je ne comprends pas comment ils peuvent être à K. dans la rue, dans la salle d'étude, comment ils ne sont pas intégrés dans une famille?

Je saurai ça plus tard.


8 décembre 2010

Fécondations in cogito

Je tournais en rond, comme d'habitude.

Tranquillement enfermée je cherchais comment nommer ces jeunes gens.

Sarasvati ? Shiva ? Vénus ? Jupiter ? Lune, soleil, Mercure ou Mars?...

Tout ça très fort, très symbolique, et ma foi, très satisfaisant, quand je fus saisie par une sensation de colère intense.
Je regardais en moi, ça ne venait pas de là, je regardais ailleurs, mais où ? Rien.

Une voix dans mon dos interrompit mes recherches

- Nous ne sommes même pas juifs, les flammes, Hannukka, on s'en fiche, les planètes, rien à faire, les dieux sont morts. On n'est pas des concepts.

- Vous êtes quoi ?

Je regardais sur la table mes derniers Issus alignés, des bébés plein les bras.

Un peu à part il y avait Marcelle, oui, c'était Marcelle, dans l'instant elle me transmit la suite.

Marcelle

Marcelle Marcelle

Ils ne veulent être ni juifs ni goyim, ils sont des vivants laïcs, c'est tout.

Je dois leur donner la moustache, plus la peine d'aller leur inventer des cheveux ou des oreilles, des nombrils ou des orteils, non, des moustaches, petites, carrées, c'est tout.

Ils n'ont pas de noms, ils ont des prénoms et des surnoms, Robert, Etienne, Johnny, Jean-Paul, Jojo le Boxeur, Riton Grand Slip, Rididine et la Mère la Cerise.

J'appris encore qu'ils n'étaient pas neuf mais douze.

Où sont les trois autres, me demandait en silence le groupe des neuf ? Où sont-ils ?

Ah bon, il y en a trois à venir ?
D'accord, ils me diront leur nom quand je les aurai faits, je suppose.

Je croyais qu'ils avaient besoin de bébés,

b_b_s_en_cours

Bébés attendant qu'on leur donne des yeux,
une bouche (et peut-être un nez)

mais non, ils veulent leurs trois camarades et de la réalité, pas des idées. Pas des grandes choses, des petites choses.

Douze, avec des moustaches et des chapeaux. Ah tiens, des chapeaux ?

- Oui, des chapeaux.

- Et quoi encore ?

- D'abord les trois manquants, les moustaches, les chapeaux, les surnoms.

- Mais j'ai préparé plein de bébés !

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Œufs fécondables

- Faites-en ce que vous voudrez.

Je ne peux pas les laisser comme ça, il faut les sortir de l'ébauche.

Myriam Kowski, la femme de Rashi Kypryh créera une pouponnière avec Anna-Magna sa sœur, la femme de William Kyjouh.

Ils ne sont que des braillards ordinaires. Je préfère cette version à celle des bébés ramassés dans les décombres et les fossés, comme des fleurs coupées dans les champs, du mélo déprimant.

Marcelle a retrouvé son inertie trompeuse, posée au milieu des siens, vides comme elle.

- Je ne peux plus tourner en rond, à vous regarder, je leur ai dit, j'ai à faire.


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6 décembre 2010

Neuf moi (s) ?

Première fournée de mes jeunes gens, les trois plus clairs.

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Alors que je les regarde, tâchant de voir qui est homme, qui est femme, et comment ils vont s'appeler, Braise contemple rêveusement les autres habitants de K.

- Si tu regardes bien, me dit-elle, tu verras qu'il y a de moi dans Anna-Magna Kowski, la femme de William Kyjouh.

- Forcément il y a de toi, elle est comédienne. Mais ça n'est pas là que je te trouverais, moi.

- Et où donc ?

- Chez les Kypensz. Tsiporah te ressemblerais si elle était une vraie personne, et pas une créature.

- Mais je suis une créature ma chère, regarde, dit Braise avec la voix de Frida, son amie dont le timbre est aussi chaud et vibrant que celui de Delphine Seyrig.

Braise se plante devant moi et dans une profonde respiration elle grandit.
Pleine de beauté et de terreur, s
es yeux brillent, ses cheveux s'enroulent en sifflant sur ses épaules, ses dents semblent aiguisées, Dracula dit ha! ha! Braise le fait taire d'un regard et lance depuis ses ténèbres enluminées:

- Si je ne suis pas une créature, alors que suis-je ?

D'accord, d'accord, Braise aussi est une créature, ce sont tous des créatures mais je me défausse de toute responsabilité.
Je n'y suis pour rien, tout juste puis-je admettre que je sois leur médium.

Ils passent tous par moi et je constate à quel point je ne maîtrise rien.

Mes derniers-nés en sont l'exemple, ils sont neufs, ils portent ces bébés ramassés dans les fossés et les décombres.
(Ils me manifestent ainsi qu'il n'y en a pas assez, d'accord, je leur en ferai encore.)

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Mais, voyons, ces neuf-là, il leur manque quelque chose.


C'est la vie qui manque, que je ne sais où prendre. Je dois attendre qu'ils me le disent et alors, oui, je pourrais poser la flamme.

Finalement, ce n'est pas si mal de n'être qu'un truchement, que leur Dieu se débrouille.


5 décembre 2010

L'insurrection qui vient

Forcément ça doit pousser alors ça pousse.

Ils sont neuf, et à l'instant je sais pourquoi, ils sont les neuf branches d'une hannoukia.

L'un d'eux est celle qui allume les autres.

J'imagine que la flamme serait la jeune fille qui aurait ramassé sur les chemins ces bébés que j'ai dû faire. Aucune idée de son nom, ni quelle silhouette sera la sienne. Demain me le dira.

peaux_1

Comme des peaux de lapins

Ils sont à présent presque nés, leur esprit est déjà là, je sais qui ils sont, eux ne le savent pas encore.

tripes

Ils ont pris corps 

Me reste à les suturer, puis ils recevront leurs noms.

Je sais déjà qu'il y aura un Marek, une Olga, un Jacques.
Je sais aussi que ces noms ne leur colleront peut-être pas et qu'ils en choisiront d'autres.

Je crois que ceux-là ne seront pas nantis du talisman des autres K. le carré blanc, moustache carrée censée les protéger du nabot diabolique, le nabique diabolo, le petit H. qui hache.   

Ils porteront au front d'autres armes.

Que va-t-il arriver à mes samouraïs ?

Ils sont venus à K. pour mourir s'il le faut, espérant qu'il le faudra, espérant plus fort qu'il ne le faudra pas.

Je crois les avoir pourvus de force et d'amour, et d'assez de vie pour que la vie l'emporte.
Mais je n'y pourrai rien,
je ne pourrai qu'écrire leur histoire.


3 décembre 2010

Les K.

Créer ça fait du bien, mais arrêter de penser pour fabriquer des trucs, ça allège.
Je pensais ça avant.

Avant l'Appartement, personne ne venait me chercher sa vie.
Les Issus, ils viennent de l'Autobiographie de Dieu, je m'en tenais à ça, retournez chez vous ! Débrouillez-vous !

Mais non, je les ai inventés et en plus il a fallu que je les fasse. Ça donne des responsabilités, rien à y redire.

Schlomo est venu le premier parce que c'est un costaud qui n'a peur de rien. Et il y a La Grande Chignole aussi.

Bon, OK Schlomo, un nom, un métier, et voilà ta famille tiens, puisque j'en suis là

Après quoi il a fallu nommer tous les autres.

Familles, noms, prénoms, métier, et bientôt leur adresse précise dans leur village précis.
Ce sont tous des K. ils habitent
le hameau de K. près de Chelm en Pologne.

Bon, ils ont leurs vies, ça y est, allez-y, hop, allez, allez hop, vivez !

Mais quelque chose en moi disait, ça ne va pas, il leur manque je ne sais quoi.

J'ai fait leur recensement, boulanger, traiteur, intellectuels et artistes, déménageurs, maçons et bûcherons, professeurs et croque-mort, guides, philosophes, tailleur, VRP, épiciers, politicien, marieuse et schnorrer, il y a même l'idiot du village et son jumeau génial, alors ?

Je leur avais déjà donné un troupeau, volailles, moutons et bœufs, de quoi manger, et son berger.
Mais ça manque encore.

Je leur ai donné aussi une famille de frères et sœurs, des jolies filles, des célibataires, des fêtards et des drôles, ça ne va pas.

Je  leur ai donné des enfants, des grands, des petits, je leur ai donné des chiens familiers.

Je leur ai donné un méchant, mais toujours il y a ce hic.

Je demande au Ça qui pousse, il me dit qui manque, les rêveurs, les utopistes, la jeune armée qui les protègera des Mauvais Jours.

Je les ai dessinés, découpés, plus qu'à les coudre, les remplir, les nommer.

Conception_1

J'ai voulu leur donner de la douceur, car ce sont de jeunes gens, de quoi jouer encore. Je leur ferais des chats.

Mais ce n'est pas moi qui décide, les chats ne sont pas venus.
Il leur faut pourtant plus de vie, de la vie, de la vie.

Alors la vie est venue: le premier bébé K.

B_b__K

Le voici, de passage dans les bras de Lolek, un des frères Kyboujh.

B_b__dans_les_bras_de_Lolek_K

Ce premier-là  attend que je lui dessine un présent avec des yeux et un sourire, il vient de plus loin que moi, inspiré par ceux de Mimi Kirchner.

Mimi Kirchner qui serait peut-être une Madame K. qui aurait peut-être habité autrefois dans le hameau de K. pas loin de Chelm en Pologne.

Qui sait ces choses ?

Certainement pas moi.


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Marité de Vos K
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