L'invention des autres
Louise Kowski voudrait ranger la vie des autres dans ses carnets, avec les preuves en regard, procès verbaux, rapport d'autopsie et, pour Celle-qui-est-l'appartement, dossier médical.
Si la vie était là, chacun en disposerait avec facilité.
Mais elle n'est pas là, elle est partout, les religions enseignent que c'est Dieu qui est partout.
L'ADN, dît un jour un grand rabbin confondant le mot et la chose, en donnerait la preuve car en hébreu ADN serait Adonaï.
Moi, Paulette Dolstein, je ne suis que psychanalyste, je n'ai aucune certitude, aucun accès privilégié aux inconscients. Je suis un humain comme tout le monde, avec les mêmes outils que tout le monde pour tenter de saisir l'invisible qui anime les hommes, les femmes et leurs enfants.
Je les écoute. Puis l'alchimie du mélange des inconscients, dont le mien, de nos expériences qui s'intriquent et se repoussent m'ouvre des portes.
C'est une sacrée cuisine n'est-ce pas, qui bouillonne dans mon crâne, ce chaudron résistant à tous les feux.
J'écoute et je me tais, la psychanalyste que je suis prend son plaisir dans le secret.
Marité de Vos K m'a mise au monde, je suis elle mais elle est moi, je ne suis pas la chair de sa chair je suis l'être de son être.
En silence je la regarde.
Elle ébauche, assemble les éléments disparates qu'elle ramasse ici et là, elle détruit, elle recommence, croyant que son souffle aura le pouvoir de donner une âme à l'inanimé.
Elle travaille au corps, elle souffre dans la conception d'un monde disparu: elle construit le pays des Issus.
La fabrique de la Maison Kyjouh