Dormeur
Nono commence à compter, un, deux, trois, cinq, dix et merde ! C'est toute sa clientèle qui est convoquée par le tract numéro 5.
- Si on s'met à attaquer les buveurs, dit Jacques Laprune à la cantonnade, c'est la guerre ! C'est la guerre ! C'est la guerre ! C'est la guerre ! C'est la gu
- Oh ! dit sobrement Dolstein, et c'est facile pour elle d'être sobre, elle boit du café, une fois suffit.
- Ouais, ouais, ouais. Laprune cherche en vain une suite, rien ne vient, pourtant il faudrait qu'il se mette en campagne, les municipales, c'est maintenant qu'il faut les gagner.
Nono a arrêté de compter, pourquoi elle a dit 5, pourquoi, ça veut dire quelque chose, mais quoi? Il note le chiffre pour faire un tiercé, 5, quoi 5 ? et son regard s'arrête sur le tract du jour:
– 5 –
Dormeur
Il était une fois un sale con.
Il était con mais on s’en fout. Comme il passait son temps à comater dans les fourrés, on l’appelait Dormeur. Il était brave en civil mais après boire : Connard 1er.
Il se maria à jeun avec une jolie femme, le soir des Noces il prit sa cuite. Entre l’entrée et la chambre à coucher, il y eut un accident de parcours qui fit de lui un jeune veuf.
Pour se consoler, il se remit à reboire. Quand il était fin saoul il fourrait Blanche-Neige dans les coinstots bizarres, ce qui ne porte pas à conséquence, car, comme chacun sait, Blanche-Neige est une enfoirée de putain de grosse salope.
Comme il buvait trop et qu’il avait tué sa femme le soir des noces, le village l’aimait bien. On ne le secouait jamais pour le réveiller, on ne lui demandait jamais de s’excuser, il avait le droit de traiter qui il voulait pourvu qu’il soit bourré.
Il aura peut-être des enfants et ça fera des gosses d’alcoolique, petits, malingres, le teint blême et incapables d’affection.
Ah mais oui, bon, pense Nono, des types bourrés à leur mariage ça manque pas, mais du veuf spontané, y en a moins, d'ailleurs y en a pas ici.
Peu sauront qui est Dormeur, il faudrait tout savoir sur Batbourg, et personne ne sait tout, jamais. Même Paulette Dolstein ne sait pas tout.
Mais ça, elle le sait.
Elle paye son café et elle s'en va en pensant, 5, 5, 5.