Les parents
Marité
Judas a raison, le chemin ouvre dans les deux sens.
Mani, qui est un homme du 9ème siècle passe la tête dans cette porte. Le Blog est trop loin de lui, il demande que je traduise, je me mets au clavier et ce sont mes parents qui s'engagent dans le passage ouvert.
Mes parents
n’utilisent pas de
kleenex, ils se mouchent dans un mouchoir en tissu, ils le lavent et
s’en resservent. Les torchons trop vieux deviennent des chiffons
avec lesquels on frotte le fond des cocottes grasses, le dessous des
pots de fleurs, l’extérieur des bouteilles d’huile.
Ma mère fait des confitures en
été pour les manger l'hiver, elle met des écorces d’orange
à brûler sur la cuisinière, elle se frotte les doigts dans les vieux citrons pressés.
Mon père aime le mou de veau en
ragoût et la tétine qui est de la mamelle de vache, ma mère y met
du persil et un filet de citron.
Mes parents ne mangent pas le
pain frais, ça fait gonfler l’estomac, le pain rassis est bon pour
la santé.
Ma mère donne le pain dur et
les épluchures aux poules et aux lapins, les tripes de volailles au
chien.
Mes parents parlent en ancien
francs, ma mère dit qu’elle compte chaque sou. Les sous, c’est avant les anciens francs.
Mes parents éteignent la
lumière en quittant une pièce, ma mère fait une grande vaisselle
dans une petite bassine, elle ne gaspille pas l’eau chaude pour
rincer deux verres.
Ma mère ne met pas l’essorage, ça froisse le linge, elle n’utilise pas le sèche linge, ce n’est pas la peine.
Ma mère a toujours cette veste de sa mère, presque neuve comme la veste de costume de mon père, puisqu'il ne l’a plus
mise depuis trente ans.
Elle refond les morceaux de bougies, elle les met de côté pour plus tard, quand elle aura des mèches, mais elle ne trouve jamais de mèche à récupérer.
Ma mère ne jette pas les
sacs en plastique, ni les sacs en papiers, ni aucun sac, mon père ne jette pas les bouts
de ficelles, il dit licelfoc sinon ça porte malheur, ni les sacs de
jute, les bouteilles en plastique, les clous tordus, les vis
rouillées, il s’en sert.
Aujourd'hui je vais chez Emmaüs
pour ces vieilles choses qui me rappellent mes parents.