La Bonne Maison
Marité
Tu te souviens, Frédéric, de la Bonne Maison? Ce restaurant qu'on allait monter à Rennes quand tu sortirais de cette saloperie de cancer du pancréas? Tu t'en souviens?
Et des menus qu'on a établi tous les jours que tu étais à l'hôpital?
Y avait des frites maison, ça nous rappelait les frites à la graisse de cheval que faisaient papa et maman?
Tu te souviens?
Tu te souviens qu'on était belges et on ne le savait pas, on mangeait des frites à la graisse de cheval, du cheval, des crêpes à la bière, on s'appelait de Vos mais on ne savait pas qu'on était belges, le grand-père de notre père était né en Belgique.
Le restaurant, on l'a bien préparé, les plats étaient choisis, le lieu, et comment on travaillerait.
On aurait acheté une maison en ville, on habiterait les étages, on aurait fait restaurant au rez de chaussée, on aurait un jardin derrière, avec une terrasse, et après la terrasse, le potager, les arbres fruitiers, les salades, les herbes.
On allait faire des pois gourmands, des capucines pour nos salades de toutes les couleurs, des fruits rouges, de la coriandre.
Tu te souviens des graines vertes, juteuses, de la coriandre fraîche après que les fleurs ont fané? On les mettrait dans le lapin sauté, en hiver, avec des tomates séchées.
Tu te souviens de la vie?
Hein, dis, tu t'en souviens?
Moi je suis là.
Et tu me manques.