Princesse Cocue
4 heures du matin, samedi, jour de marché, Suzanne Troudup finit de se maquiller.
Elle a un peu poussé sur le rouge, un peu aussi sur le vert et pas mal sur le bleu. On peut dire aussi qu'elle n'a pas négligé le rose ni ce fond de teint un peu violet.
Ce n'est pas sa faute si la couperose lui couvre tout le visage. Les faux-cils toutefois n'étaient peut-être pas indispensables.
Jusque-là elle ne pensait pas à mal, ni à rien d'ailleurs mais elle a vu dans le tri papier une couverture de magazine qui l'a bouleversée.
"Princesse Cocue", ça disait ça, Princesse Cocue.
Ce n'est pas Princesse qui l'a remuée, ni cocue, mais le e à la fin, qui l'alignait dans l'armée des femmes trompées. Et mon Troudup, toujours dehors, la nuit, le jour, pensa-t-elle pour la première fois de sa vie, et le reste du temps aussi.
A l'intérieur le test: "Est-ce qu'il vous trompe ?"
Elle a coché toutes les cases, elle a compté les points, les triangles, les carrés, les ronds, la Vérité est tombée, son Troudup la trompe, c'est dans le journal.
Après le verdict, le conseil, ces magazines, se dit-elle tout haut, c'est pas des tafioles.
"Ranimez la flamme, rallumez la bête en vous, il sera re conquis": L'Antidote.
Elle a ressorti la panoplie de nuit de noces, bas, porte-jarretelles, soutien-gorge à balconnet, parfum, maquillage.
Tout est trop petit, ça n'en est que mieux pense-t-elle, ses chairs opulentes s'échappent et jaillissent comme un geyser finlandais.
De toute façon, son miroir est trop petit, en équilibre sur un tabouret, elle aperçoit des morceaux par-ci par-là.
Elle se fige aux bruits des pas. Léon entre en premier comme d'habitude, il pousse un gémissement en voyant Suzanne Troudy sur le tabouret, Suzanne s'en fiche, Léon c'est qu'un chien, elle attend l'apothéose: Troudup va entrer et la voir là, offerte...
Well, well, well, comment vous dire.. moi, La Patronne, j'ai besoin d'un peu d'élan pour décrire la suite, et aussi du sucre, un peu d'alcool, et un petit cigare peut-être...