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Marité de Vos K
marite de vos k.
18 juin 2010

L'Ogresse

Astrid

Astrid  a un gros surmoi qui s'exprime dans son obésité.

- Il n'exprime rien du tout, c'est Moimoi qui décide, je l'ai bouffé et c'était bon, voilà comment mon corps s'est dilaté.

- En l'avalant vous l'avez maîtrisé? lui dis-je. Et j'entends au loin le bruit du crayon de Dolstein crissant sur le papier.

- Parfaitement, répond Astrid, parfaitement oui. On mange le foie de son ennemi pour en sauver la force, on mange le corps de ses défunts, pour enrichir le clan, je l'ai bouffé, j'en suis bouffie.

Pour le coup, tout le staff de l'Usine  se fixe sur la scène. Je leur offre ce cadeau: interview sur des thèmes jusqu'ici laissés dans l'ombre. Ces aspects d'Astrid sont obscurs, ils me dérangeaient tant que je préférais les laisser de côté.

- Vous ne donnez pas crédit à la psychanalyse mais vous êtes astrologue et animiste?

- Relativement, corrige-t-elle. La réincarnation existe, personne ne peut le nier, ça n'est pas être animiste que constater cela, mais pour les astres et constellations, je peux concéder que je les dote tous d'une âme qu'ils n'avaient peut-être pas avant moi.

- Personne ne peut le nier? C'est faux, tout le monde n'est pas de votre avis.

- Tout le monde peut se tromper, la Vérité est parfois lente à faire sa Voie mais le fait est: après leur baptême, elles ont une âme, ça c'est sûr!

- Leur baptême?

- Donner un nom c'est baptiser, donner une âme c'est animer. Tout ça est très simple.

Astrid est puissante, elle peut à elle seule égaler les Témoins de Jéhovah qui depuis l'Utah baptisent à tour de bras
tous les morts et les inscrivent dans le Grand Livre sur Ordinateur.
Ils sont leur peuple à venir après la fin du monde qui sera suivie de la Réincarnation des Bons.

Ces morts seront reconnaissants.

Sils ne le sont pas, ils n'auront pas le choix, zombies dévoués à leur Maître avec ou sans leur consentement.

Astrid a divisé l'Univers, aux Témoins la Terre, à elle le Ciel.

Compacte, monolithique et obèse, elle porte en elle l'écho des vides sidéraux, les abîmes  et l'appétit des trous noirs capables d'engloutir n'importe qui, n'importe quoi.

Bien que je la fréquente depuis quelques années je me gardais de penser sur elle, gardant la position de l'auteur qui ne juge pas ses personnages.

Mais je n'aimerais pas qu'elle acquière le moindre pouvoir.

J'espère qu'il est encore à ma portée de l'en empêcher.


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17 juin 2010

Des Réponses !

Marité

- D'où viens-tu gitan?

- De l'Appartement.

- Où suis-je?

- A l'Appartement.

- Où se retrouve-t-on?

- A l'Appartement.

- Tu fais quoi?

- L'Appartement. A fond.

- A quoi tu penses?

- A l'Appartement.

- Ah! Merci! dit Rachel Z. enfin des réponses simples. Si c'est ça, je pose la mienne: Où est-ce que j'en suis?

- Ben, que je lui dis, à l'Appartement!

- Oh alors, dit Marianne, dans ce cas, moi aussi: Quel est le sens de la vie?

- L'Appartement, réponds-je sobrement, car en Vérité je vous le dis, l'Appartement est partout et contient Tout.

- Si c'est ça, dit Ariane depuis une plage à marée basse, sa pelote de fil à la main, j'y vais de la mienne: il est passé où Thésée?

Et cette fois c'est un chœur qui lui répond en cœur et en canon, depuis les basses profondes d'Espérandieu et Nono aux clairs soprani d'Astrid Tayeurt et Marianne en passant par les alti en mineur de Braise et Alice, le grommelot éraillé du Troudup de Léon soutenu par les trilles enflammés de Fabiola Nibard qui s'est coincé les doigts dans le clapet de son portable et contrepointé par la toux en arpège de Mademoiselle de Lhéry:

- A l'Appa a a a  à l'Appapapapapa, à l'Appa l'Appa, l'Apa a rtement !


16 juin 2010

Fractales

- En passant une après-midi avec Paulette Dolstein, dit Rachel Zukolowsky, j'ai eu cette impression de déjà vécu, d'où peut bien me venir cette near life experience?

- La NLE, dit Dolstein, n'a pas été étudiée, pourtant nous avons sous les yeux tout ce qui est visible.

- Oh eh! reprend Rachel, ça suffit avec les théories! On ne pourrait pas rester sur terre? Je n'y suis pas si souvent.

Et j'assiste à un évènement: Dolstein a les larmes aux yeux, mais elle se reprend aussitôt, et dit à Rachel,

- Tu as raison, parlons autrement de la chose. Qu'est-ce que tu entends par déjà vécu?

- Comme si nous étions de la même famille, comme si tu étais ma tante, comme si nous étions avant ma disparition et aujourd'hui en même temps, je n'y comprends rien.

- Je ne suis pas sûre que nous soyons dans le conditionnel, lui répond Dolstein.

Et elles sont reparties dans l'tourbillon d'la vie.

Ah ben oui, c'est exactement ça, la vie, la mort, tout ça, ce n'est pas une ligne continue et chronologiquement correcte, enfin, à mon avis.

La vie, la mort, ça n'est pas tout droit, ça maelströme, les cercles respirent et se touchent par des endroits inattendus, alors forcément il y a des connexions.

Dolstein et Rachel, par exemple, sont de la même famille mais elles ne le savent pas, à cause du temps qui a passé entre elles, de l'Histoire, et aussi Rachel est morte n'est-ce pas, il y a longtemps, alors que Dolstein est vivante.

En fait, elles ne le savent pas parce que je ne l'avais pas écrit, elles sont de la même famille, et Dolstein n'est pas sa tante mais sa sœur.

Je n'aime pas quand ça se complique par ricochet.

Je me demande si je ne suis pas en train de perdre mon fil d'Ariane et pourquoi il n'y a pas d'Ariane dans mes personnages ?

- Parce que c'est vous! dit Dolstein, comme si j'étais la poule face au couteau. N'oubliez pas que si Ariane tenait le fil pour Thésée, il l'a abandonnée sur l'île et c'est sa sœur, Phèdre, qu'il a épousée.

Dolstein revient avec sa pédanterie innée, mais si naturelle, préciser ma pensée sur le fil:

- Ce n'est pas une pensée, dit-elle, c'est une intuition fondée sur les fractales:
De même que chaque cellule contient tout le patrimoine génétique, que chaque être humain contient toute l'humanité, chaque vie contiendrait toute l'histoire.

L'Humanité a commencé dans l'eau, puis en est sortie à quatre pattes puis elle a avancé sur deux jambes puis notre cerveau a grossi, puis nous avons atteint un autre degré de civilisation puis nous sommes aujourd'hui.

Et bien si nous relevons ce que nous avons sous les yeux: fécondation, divisions de la cellule, redivisions, neuf mois dans le liquide amniotique, une vie de têtard, évolution foudroyante, naissance, reptation, marche, maturation du cerveau, enfance, adolescence, passage à l'adulte, maturité, vieillissement, mort...

L'humanité vieillit, mais si certains mourront de ne plus pouvoir vivre, d'autres surmonteront cet obstacle et continueront, grands vieillards ou corps régénérés jusqu'à des points jamais atteints.
Et nous verrons.

- Nous verrons quoi? lui demandé-je, interloquée, nous verrons quoi, après, après, après?

- Nous verrons ça, justement, ce qui vient après, après, après.

- Régénération! Ah! Très intéressant, très intéressant, dit Lucien Übernix, vraiment, si vous vous vouliez bien vous joindre à nous, madame Dolstein!

- Vous joindre où? lui demande Dosltein qui ne sait pas d'où sort Lucien Ü.

Moi je le sais, il vient de Bienvenue à La Fabrique où il travaille avec son équipe, sans réussir pour l'instant,  à fabriquer Frédéric.

Lucien lui explique, ils partent tous les deux en discutant avec animation, je n'entends qu'un début de la phrase, Lucien dit:

- Or il ne s'agit pas de résurrection

et très vite, ils sont rattrapés par Rachel Z. qui a beaucoup à dire et à offrir sur le retour des êtres disparus.

Ce que la science d'aujourd'hui ne peut pas faire, pourquoi pas celle que j'invente?


14 juin 2010

Tu dors ?!!

Marité

- Si je dors? Tout le monde dors. Ben quoi, c'est quoi cette question, je dors? Oui, je dors!

Non, je ne dors plus, bien sûr, cette question m'a réveillée en sursaut. Je dormais. Je ne dors plus.
D'où vient cette voix? Il n'y a Personne que moi dans l'Appartement ce matin.

Ciel gris, ciel clair,  soleil et grêle, même le climat s'invente. Ils ne sont pas revenus après leur balade d'hier, pas repassés par ici en tout cas.

Où sont-ils?


Je suis allée vérifier dans leurs manuscrits, est-ce qu'ils s'y invitent?
Ce serait le bordel pour le coup.

Si mes personnages se mettent à rentrer les uns chez les autres, à déménager dans les histoires, je ne vais pas m'en sortir.

Je travaille mes textes, la construction, le style, enfin, le boulot quoi, mais s'ils viennent y mettre le souk, je ne réponds plus de rien, tout va sombrer!

J'ai rien vu. Ils sont rentrés chacun chez soi.

Ouf.

L'Appartement est leur seule échappatoire, je suis contente, je reste maître de quelque chose, je suis l'hôtesse ici.


- Mais oui je dormais, qui me demande? Qui pose la question?

- C'est Nous.

- Qui Nous?

- Nous le général, Nous qui suis une Arche de Noé dans une capsule qui contient tous ceux de tes textes. Nous te demande, est-ce que tu dors?

- Mais c'est une obsession! Nous veut savoir quoi?

- Est-ce que parfois ton cerveau se repose?

- Ah, voilà une question. Je ne sais pas. Je suppose que c'est dormir, poser la cervelle, éteindre un peu la lumière, figer les étincelles.

- Nous se demande s'il t'arrive de ne penser à rien.

- Je crains que non, d'ailleurs, vous êtes en train de me parler, je vous réponds alors que j'avais prévu d'aller jouer dehors. Mais vous?

- Nous non.

- Non quoi?

- Nous ne pense pas à Toi, c'est Toi qui nous pense.

Pff, métaphysique virtuelle et psychologie de comptoir, et on n'est que lundi ?!

Je sors.


13 juin 2010

De l'air !

Marité

Au prétexte qu'il fait beau, que dehors et dedans ce serait désormais pareil, ils sont tous partis en maraude.

Marianne avec Joseph et Norbert, Dolstein avec Rachel Zukolowski, Léa, et Mani qui venait ici pour la première fois et a tourné casaque avant même de parler de Pleumeur Bodou où il vit dans "Mani", justement, vers les années 800 et quelques, Fabienne Berman avec Emile Testard et Tatave, Alice et Albert, Braise sans Dracula, forcément, le soleil, et les autres qui sont partis avant que j'ai eu le temps de les reconnaître.


Car c'est un problème que d'identifier les Gens de l'Appartement, mes colocataires, quand ils viennent pour la première fois.

Je les connais de l'intérieur, je sais qui ils sont, les ayant créés et animés mais je ne les avais jamais vus.

Je m'attendais à ce qu'Alice soit une dame au physique désuet, alors que c'est une jolie blonde sympathique, je m'attendais à ce que Marianne me ressemble et pas du tout.

Quant à Dracula, j'avais de lui l'image classique à laquelle le comédien qui le jouât s'était conformé et voilà que c'est un homme très différent du grand maigre aux dents pointues.

Puisque c'est comme ça, j'ai délaissé leur création, leurs histoires, j'ai décidé de fabriquer du réel, j'ai fait une robe de Marianne, de Braise et de Rachels, que Fabienne Berman n'aimerait pas, ni Alice, et voilà.


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Et puis tiens, je la mettrai moi-même et moi aussi j'irai voir dehors si j'y suis.


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12 juin 2010

Odeurs qui puent

Marité

Une odeur nauséabonde m'amène... comment dit-on venir avec quand c'est votre nez qui vous prend par la main?... m'amène donc devant une des portes du Blog.

Surprise du jour, un troupeau de pingouin pingouine devant l'ordinateur, se bousculant pour voir les images qui défilent sur l'écran.

Il n'y a pas de pingouins dans mon entourage, aucun pingouin dans mes manuscrits,  nul pingouin n'habite mes rêves, aucun fantasme d'alcidé, ni de pôle ni même de Banquise Moon (qui est le  secrétaire général de l'ONU),
mon seul pingouin intime est celui de Linux sous lequel je suis, by the way, alors?

Et d'où vient qu'ils puent autant? Est-ce leur nature?

- Doùkipudonktan?
leur demandé-je en hommage à Raymond Queneau et m'attendant, un peu, à ce qu'ils répondent:

- Barbouze, de chez Fior.

et me demandant à moi-même si le pingouin est susceptible hostile ou agressif.

Ma question provoqua un remue-pingouin de première grandeur, ils gigotaient, tournaient, se cognaient en bruissant:

- D'où? D'où! D'où? Dou dou dou doudoudoudou ouh ouh ouh!

Le waï dans l'Appartement,  un set de quilles en folie, qui puent,  transforme le Blog en piste de bowling géante et je n'ai pas de boule.

Est-ce un hommage au quinzième degré à John Kennedy Toole, qui,
dans les débuts de La Conjuration des Imbéciles, parle du bowling par la voix d'une mère pratiquante ?

Ou bien quoi?

Le temps que je reformule une question plus urbaine: D'où venez-vous? la bande de quilles s'envole, (c'est le manchot qui ne vole pas) et 
me lance avant de traverser les murs de l'Appartement :

- On vient de chez
 Pascalino  woo o oo ooo woo !!!

9 juin 2010

Hareng chorizo

Alice

Marité avait peut-être raison de demander une recette de fraises ou de je ne sais plus quoi, parce qu'il faisait beau et que mes harengs ne lui plaisaient pas.
Mais aujourd'hui qu'il fait gris, je vais la laisser, ma recette.

C'est la salade de hareng et chorizo piquant.

Mettre au fond d'un saladier large, moi j'ai pris une coupe à fruits un peu creuse, c'était parfait, donc, mettre au fond du plat choisi une chiffonnade de salade, des endives, ou de la salade verte, ou des pousses d'épinard, ce qu'on veut qui soit frais.

Pas de chou blanc ou chou rouge par exemple, trop dur même blanchi, ça n'irait pas, pas de choucroute non plus et encore pas d'un tas de légumes que je ne citerai pas.

Je suis un peu énervée, il faut que je me calme avant de continuer sinon ma recette sera impossible à réaliser.

Ce qui se passe, c'est que j'ai pris conscience de la porosité de mon existence.

A cause de cette histoire de temps, beau temps, mauvais temps...

Sur le moment je n'y ai pas prêté attention, les histoires de temps...
Mais ensuite, j'ai compris. Le temps de l'Appartement passe chez moi.

Je croyais que venir ici était une liberté sans conséquence.
Et puis, il y a eu le temps, il fait beau ici, il fait beau chez moi, il fait mauvais, pareil chez moi.
Est-ce que c'était comme ça avant?
Je ne peux pas savoir.

Je suis troublée, c'est pour Albert.
Albert et moi on est ensemble, mais on s'est rencontrés ici.

Si c'est un effet de la porosité et pas un effet de la liberté, ça ne dépend plus de nous qu'on soit bien ou mal ensemble, mais encore et toujours de la propriétaire.

Il fait gris aujourd'hui, et un peu frais:

Mettez une chiffonnade de salade fraîche au fond du plat.
Ajoutez  des filets de hareng fumé coupés en fines lamelles.
Ajoutez des asperges vertes effilochées, en saison, ou alors quelques navets cuits al dente ou des cœurs d'artichauts en bâtonnets, ou les trois ensemble si ça vous plait.
Ajoutez une bonne quantité de chorizo piquant en rondelles fines.
Ajoutez beaucoup de persil haché, une tomate en petits morceaux (carrés si vous êtes maniaque).
Faites une mayonnaise légèrement citronnée avec moitié huile d'olive moitié huile neutre, dans laquelle vous aurez mis avec la moutarde un peu d'harissa.

Qu'est-ce que tu dis, je ne comprends pas? Viens donc au lieu de crier ce que tu veux me dire!

Albert veut mettre son grain de sel.

- Pas mon grain de sel, dit-il, mon grain de wasabi, je préfère quand tu la fais au wasabi,  cette salade-là.

- C'est vrai, avec une cuillère à café de Wasabi, c'est encore meilleur, mais la plupart des gens ignorent le wasabi.

- Tu trouves pas qu'il fait plus beau chez nous? demande Albert

Alors Alice le regarde les yeux noyés de larmes et lui, bien sûr, il la trouve bien émotive

- Ben quoi? Il fait beau chez nous, c'est pas grave! Ici c'est ici et là-bas c'est ailleurs.

Et ils sont partis par la porte, peut-être par délicatesse, et pas par les murs comme d'autres fois.

Alors c'est moi qui termine la recette:

- Mélangez, servez frais.


8 juin 2010

Les Rois Mages

Marité

Le payeur des allocations familiales.

Il est annoncé par des cris

- Voilà le payeur! Voilà le payeur!

et par les cavalcades des gosses qui courent prévenir leurs mères, ils avalent les étages pour lui dire il est là! je l'ai vu! ça y est!

On surveille sa progression à la fenêtre, il sort du bâtiment A, le B est en cours, il a fini, ça y est, c'est à nous!

Les mères se recoiffent, débarrassent la table, font chauffer le café et elles attendent le monsieur rond à la sacoche. Veste en cuir, débonnaire, il répand la joie dans la cité.

Il paye en liquide, il pose l'argent sur la table, c'est quelque chose, il est souriant.

Un jour on lui a volé la sacoche, il a eu un gros pansement sur sa tête chauve, il ne souriait plus, il n'aimait plus son boulot.

La cité était catastrophée, elle avait honte, qui avait osé attaquer l'argent des allocs ? Les temps changent, on n'y peut rien.

Peu de temps après l'argent est arrivé par la poste, puis il est arrivé à la banque.

Aujourd'hui il n'y a plus de payeur avec le vrai argent dans la sacoche, il y a de moins en moins de postes où aller retirer l'argent des mandats, il y a beaucoup beaucoup de banques.

Les témoins de Jéhovah.

C'était une visite. Ils nous portaient leur bonne parole. Ils étaient polis, ils venaient en couple, ils ne parlaient jamais fort. Ils s'asseyaient, caressaient la tête des enfants, il y en avait toujours un à portée de main, et ils repartaient comme ils étaient venus, pleins de la bonne parole et nous les oubliions aussitôt.

Monsieur Tout l'Univers.

Ma mère lui a acheté son encyclopédie parce qu'il lui a dit que la culture et la connaissance étaient les clés de la réussite.

Tous les mois on a reçu par la poste un gros livre bleu plein d'images qui s'appelait Tout l'Univers. On a cru posséder tout le savoir du monde.

Aujourd'hui mon frère tourne ses pages pour se souvenir de la vie d'autrefois, quand la réussite  était à portée de main et promettait le bonheur.

C'était nos Rois Mages, douze fois par an, le payeur, deux fois par an, les Témoins de Jéhovah, une fois dans notre vie monsieur Tout l'Univers.

Ils nous ont porté leurs cadeaux sans jamais se croiser, nous ne les avons jamais vus ensemble.

Quatre, vingt et un, je devrais les jouer au loto, mais ça ne fait que trois chiffres, il aurait mieux valu raconter les sept nains.

7 juin 2010

La Bonne Maison

Marité

Tu te souviens, Frédéric, de la Bonne Maison? Ce restaurant qu'on allait monter à Rennes quand tu sortirais de cette saloperie de cancer du pancréas? Tu t'en souviens?

Et des menus qu'on a établi tous les jours que tu étais à l'hôpital?

Y avait des frites maison, ça nous rappelait les frites à la graisse de cheval que faisaient papa et maman?
Tu te souviens?

Tu te souviens qu'on était belges et on ne le savait pas, on mangeait des frites à la graisse de cheval, du cheval, des crêpes à la bière, on s'appelait de Vos mais on ne savait pas qu'on était belges, le grand-père de notre père était né en Belgique.

Le restaurant, on l'a bien préparé, les plats étaient choisis, le lieu, et comment on travaillerait.

On aurait acheté une maison en ville, on habiterait les étages, on aurait fait restaurant au rez de chaussée, on aurait un jardin derrière, avec une terrasse, et après la terrasse, le potager, les arbres fruitiers, les salades, les herbes.

On allait faire des pois gourmands, des capucines pour nos salades de toutes les couleurs, des fruits rouges, de la coriandre.

Tu te souviens des graines vertes, juteuses, de la coriandre fraîche après que les fleurs ont fané? On les mettrait dans le lapin sauté, en hiver, avec des tomates séchées.

Tu te souviens de la vie?
Hein, dis, tu t'en souviens?

Moi je suis là.
Et tu me manques.

 

6 juin 2010

Vapeurs

Alice

- Il fait beau. Le Liquidambar pousse dehors des feuilles repliées sur elle-même comme des fœtus. Feuillettes, feuillasses, le soleil de juin va les tuer, elles sont sorties trop tard.

Alice imagine l'agonie des feuilles, elle est déprimée, elle prend des tisanes, des gélules d'herbes, elle attend que ça fasse effet.
Mais le seul effet notable est qu'elle a l'impression de passer sa vie aux toilettes.

Alice ne veut pas d'une analyse elle dit c'est trop tard.
Peut-être c'est trop tard, mais trop tard pour quoi?

- Trop tard pour être heureuse.

- Ah, être heureuse?

- Comme tout le monde.

- -Être heureuse comme tout le monde, ça ne me dit rien.

- Paroles de nantie, me dit-elle, et elle boude.

Bon.
Je ne comprends pas son histoire d'arbres et de fœtus, aujourd'hui est un jour sans, je n'y suis pas.

- Qu'est-ce qui ne va pas Alice?

- Rien ne va pas, et rien ne va, c'est tout. Je suis venue déposer une recette mais je ferai ça plus tard.

- C'était quoi la recette?

- Salade asperges, endives, hareng fumé et chorizo fort, avec une mayonnaise légère à l'harissa et citron.

- Il me semble qu'aujourd'hui était plutôt un jour pour une recette de gâteau au fromage, ou de salade de fraises aux fleurs d'acacia.

- Avec une pointe de pastis?

- Oui, celle-là.

- Et bien non.

Et hop, elle s'est évaporée.
Elle est vraiment déprimée, car jamais elle ne s'évapore.


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Marité de Vos K
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