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Marité de Vos K
7 juin 2010

La Bonne Maison

Marité

Tu te souviens, Frédéric, de la Bonne Maison? Ce restaurant qu'on allait monter à Rennes quand tu sortirais de cette saloperie de cancer du pancréas? Tu t'en souviens?

Et des menus qu'on a établi tous les jours que tu étais à l'hôpital?

Y avait des frites maison, ça nous rappelait les frites à la graisse de cheval que faisaient papa et maman?
Tu te souviens?

Tu te souviens qu'on était belges et on ne le savait pas, on mangeait des frites à la graisse de cheval, du cheval, des crêpes à la bière, on s'appelait de Vos mais on ne savait pas qu'on était belges, le grand-père de notre père était né en Belgique.

Le restaurant, on l'a bien préparé, les plats étaient choisis, le lieu, et comment on travaillerait.

On aurait acheté une maison en ville, on habiterait les étages, on aurait fait restaurant au rez de chaussée, on aurait un jardin derrière, avec une terrasse, et après la terrasse, le potager, les arbres fruitiers, les salades, les herbes.

On allait faire des pois gourmands, des capucines pour nos salades de toutes les couleurs, des fruits rouges, de la coriandre.

Tu te souviens des graines vertes, juteuses, de la coriandre fraîche après que les fleurs ont fané? On les mettrait dans le lapin sauté, en hiver, avec des tomates séchées.

Tu te souviens de la vie?
Hein, dis, tu t'en souviens?

Moi je suis là.
Et tu me manques.

 

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4 juillet 2010

Joie ! Odeurs ! Plaisir !

C'est Tatave qui zinzille autour de l'écran, autour de moi, autour de tout ce qui bouge qui transpire et qui sent.

- Zzzz! Zzzz! C'est la belle saison, la saison des amours! La saison où tout meurt et tout pourrit! C'est la saison du Bonheur!
DO ! Le DO il a bon dos !
RÉ! rayon de soleil d'or !

Voilà Tatave mélomane, elle hurle la Mélodie du bonheur à cinq heures du matin.

- C'est qu'après il fera trop chaud, dit-elle, et que je serai occupée à voler pondre sentir vibrer, ah! Ah! C'est merveilleux.

- Il me semblait, lui dis-je, que vous étiez engluée dans le cerveau d'Emile Testard?

- C'est une autre histoire, la Tatave d'autrefois bricole dans cette cervelle molle. La Tatave d'aujourd'hui est une mouche libre, mon destin m'appartient, rien ne m'arrête.

Et zzzz, et Zzzz, et Zzzz ! MI c'est la moitié d'un ...

Oups! Elle vient de se faire gober par un pigeon.

La paix règne à nouveau, je bois mon café, sur le balcon, regardant le pigeon tousser, hoqueter et puis, bien sûr,
car je m'en suis mêlée, cracher Tatave.

C'est difficile de résister au pouvoir absolu, il me suffit de quelques mots pour redonner vie à cette mouche enchantée.

- Zzz! Zzzz! Voyez quel talent m'habite! Voyez quelle force me porte! Je m'en suis sortie encore une fois! Tel Jonas pouité hors de la baleine! Car je suis une Élue!

Et elle reprend sa chanson, là où le pigeon l'avait interrompue.

- FA c'est facile à chanter

  SOL c'est là que j'vais tomber,

  LA c'est là que j'veux aller

  SI c'est siffler comme une mouche

  ce qui nous ramène à DO DO DO DO DO !!

- Julie Andrews en blatte ailée, dis-je, c'est un bel effort mais ça ne vole pas haut, ah! ah!

- Mathé Altéry s'il vous plaît, répond-elle pincée, car si je danse en anglais, c'est en français que je chante.

 

5 juillet 2010

Cassandre broie du rose

- Ah oui, dit Cassandre, une mouche ça va, une mouche a sa place ici, on ne l'efface pas du paysage à coup de tapette. Tatave, hein?

- Zzz, répond Tatave, concise pour une fois, avant de fiche le camp loin de l'orage.

Cassandre boude fort.

C'est une jeune femme brune, c'est une moins jeune femme aux cheveux gris, blancs, etc., c'est une vieille femme, c'est une gamine, c'est une fatigante.

- Je suis embarrassée, lui dis-je, de vous voir changer d'aspect au gré du... au gré du, de quoi au fait? Pourquoi ne vous fixez-vous pas?

Elle me regarde de travers et passe en moins d'une seconde de la fureur au sourire à la grimace, ça commence à m'énerver. Elle me dit:

- Vous avez du culot! Je voudrais bien être ceci ou cela une fois pour toutes, donnez-moi corps et on n'en parlera plus.

- Mais pourquoi vous plaindre de tout ?

- Comme si j'avais le choix.

Elle a raison, alors je lui dis, vous avez raison, alors elle fait la tête alors j'en ai assez, je ne lui parle plus.
J'en ai marre aussi, de ses sautes d'humeur, du destin de Cassandre qui va qui vient pour se poser forcément dans le pire.

Elle se plante devant ce miroir qui est une porte orpheline d'armoire à glace, avec une serrure sans clé:

Cassandre d'un côté, jeune femme aux longs cheveux bruns ondulés, fine, un corps de danseuse et en face Cassandre quatre-vingt douze ans, mais qui lui ressemble assez pour qu'elle en soit découragée.

Voilà Cassandre, jamais contente, jamais comblée, Cassandre qui ne sait vivre ni dans le passé, ni dans le présent et dont l'avenir fait peur à tout le monde, y compris à elle.

- Cassandre! hurlé-je (très fort), de là où je suis (à Lille) va jouer dehors !

  Va te saouler au champagne,

  Va séduire le premier venu ! Et le deuxième !

  Change de prénom, change de nom, change de tête !

  Cassandre ! Cassandre : CHANGE !

Elle se retourne avec enfin un grand sourire (elle ressemble à Braise du coup) et me dit:

- Ah quand même ! Enfin un bon conseil.

- Et en plus, c'est les soldes.


6 juillet 2010

L'histoire de Toto

- Qu'est-ce qui se passe ?

 - Qu'est-ce que j'peux faire chais pas quoi faire, qu'est-ce que j'peux faire chais pas quoi faire...

- Qui est là ? Hein ? Je ne me souviens pas de celui-là.

- Ben c'est moi !

Il s'indigne, il est vexé, c'est lui, c'est lui, c'est qui lui? Aucun souvenir... Ah, mais si, je crains que ça ne soit...

- Ben c'est Toto ! Toto le Foetus assassin! C'est moi, Toto !

Ah c'est bien lui.

Il vient de mon époque pragmatique. Je proposais pour chaque problème une solution simple.

La Sécurité Sociale était en déficit, le trou grossissait, tournait au gouffre insondable: j'ai dégainé Toto.

Toto vivait avec ses soeurs dans l'utérus d'une mère porteuse, leur propre mère.

Elle n'avait pas les moyens d'en payer une autre, un problème: une solution, elle assumerait seule la charge de travail de ses triplés en les portant elle-même.

Même sans les dépassements d'honoraires pour accouchement exceptionnel, les frais de vaccins, de puéricultrice, de pédiatre, etc., rien qu'en allocations familiales, on allait très vite atteindre une somme énorme.

A l'époque je n'avais pas d'enfants, sinon, je n'aurais pas inventé la solution que j'ai trouvée et mise en scène dans Toto le Foetus Assassin. 

Toto reçut in utero une mission qu'il accepta: tuer ses deux soeurs avant leur naissance afin de faire des économies.

Il le fit.

Et moi aujourd'hui je dois supporter cet avorton malsain, ce sale foetus assassin qui est né mauvais et marqué par le crime.

- Oh, chougne Toto, c'était pas ma faute. Aujourd'hui j'ai trente et un ans, j'ai grandi en bien, je me suis racheté, oh oui!

- Ah oui ? Et comment ça ?

- J'ai séduit plein de femmes et je leur ai fait, euh,  cinquante-huit enfants.

- Cinquante huit ?! Je n'y crois pas une seconde.

Il baissa la tête et dit,

- J'ai fait de mon mieux mais je n'ai pas su tout rattraper, je suis un gros menteur.

 

8 juillet 2010

Nuit chaude

- Quelqu'un? Ohé? Quelqu'un ici?

C'est une jeune femme nue. 

Je sais que dans l'Appartement vient qui veut et qui vient est chez soi, mais je suis surprise.
Pourtant je suis nue moi aussi au milieu de la nuit chaude, et ça me semble naturel.

Cette jeune femme se sent chez elle, manifestement.

Elle est nue donc, les jambes longues, la taille fine, les hanches rondes, ses seins frémissants.

Animée par un souffle rapide, la jeune femme est étonnée d'être là, ou bien émue, je ne sais.

Ses yeux sont noirs ou marron très foncé, ses cheveux mi-longs en boucles souples.

Dans la semi pénombre, son corps lumineux est presque phosphorescent.

Sa bouche est crispée par un sourire débutant ou bien c'est la fatigue? 

- Bonjour, dit-elle , je suis Marguerite. Je ne sais pourquoi ni comment je suis ici, mais, joute-t-elle avec un vrai sourire cette fois et qui l'habille de douceur, j'ai pris ces jours-ci l'habitude de ne rien comprendre et de bien m'en trouver.
Le Maître est ici?

- Ah, vous êtes cette Marguerite! Le Maître peut venir quand il veut.

- Oh, dit-elle avec une voix rauque et ce léger accent slave, il ne peut pas grand chose encore.

Je la vois mieux à présent que je sais qui elle est, son corps éclaire l'Appartement, comme une torche dans une caverne, comme le filament de l'ampoule.
La puissance de l'onguent à l'âcre odeur de racines et de fleurs fraîches diffuse sa présence,
sa peau scintille.

Elle est devant moi, je la vois, je la sens, et je la devine présente dans tout l'Appartement, là où l'on rêve, là où l'on dort, là où tard le soir on verse le thé dans des verres à anses, avec des gâteaux au pavot et au miel, je la devine et je la sens dans les couloirs et dans l'entrée, par les fenêtres et dans le ciel, Marguerite est partout par la force du Diable de Boulgakov.

Marguerite est la sorcière provisoire, l'amoureuse aux attributs magiques.

- Sans doute est-ce moi qui vous ai attirée ici, car je vous aime.

- Ah ?  Tout le monde doit donc m'aimer cette Nuit. Où est Le Maître?

J'ai très envie de le lui dire, mais l'histoire du Maître et Marguerite ne m'appartient pas, Je ne suis qu'une qui a reçu l'émotion, l'admiration, le plaisir et le bonheur que Mikhaïl Boulgakov a offert à tous ses lecteurs.

Je ne peux pas lui dire, ne t'inquiète pas Marguerite.

- Mais oui,  dites-le moi!  

Je ne songeais plus que c'était la Nuit où Marguerite verrait tout, entendrait tout, saurait tout.

- Ne vous inquiétez pas Marguerite.

Enfin j'ai retrouvé mon bon sens et offert à Marguerite un bon tchaï avec du gâteau de madame Hollander.

- Comme c'est bon cette pause dans une longue nuit.

Assises dans les fauteuils jaune d'or sombre (j'ai pensé que nos corps seraient ensuite tatoués de  piquetis de velours), nous avons bu du thé brûlant dans des verres à anse.

Quand l'ombre du Maître s'est brièvement dessinée à nos côtés, ils se sont effacés.

Dans le salon empli du parfum de l'onguent magique, les verres à thé sur la table basse resteront là encore un peu.

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17 juillet 2010

Colère

- Faites quelque chose! me dit Braise abruptement.

- Que dois-je faire? Qu'ai-je oublié que je devais faire?

Elle, d'habitude plus réservée, gardant l'expression des émotions pour la scène, est très émue, ses yeux brillent de larmes. Agacée que je ne comprenne pas, elle doit se dominer pour ne pas pleurer.

Elle prend une profonde respiration et me dit en articulant un peu trop, pour dominer son trouble,

- Bernard Giraudeau aujourd'hui, après Laurent Terzieff ! Vous attendez quoi pour leur redonner vie?

- Ah, cela. J'ai de la peine autant que vous, autant que vous je suis révoltée par le départ de ceux-là, mais Braise, je n'ai aucun pouvoir sur la réalité.

- A quoi serviriez-vous sinon?

- A rien de plus que vous, Braise, je vis la peine avec le reste.

- C'est tout?!

- C'est tout.

- Vous pourriez leur créer des vies.

- Rien.

- Vous savez quoi? Vous devriez nous oublier, si vous ne pouvez que rien, personne n'a besoin de vous.


29 septembre 2010

Etre (con) ou ne pas

Je me suis levée cette nuit pour éteindre la lumière dans l'entrée. Au moment où je réalisais que j'étais dans le noir, que j'allais devoir retourner me coucher à tâtons, quelqu'un a allumé le bureau.

- Ah Monsieur Troudy, merci pour la lumière.

- Je vous en prie.

- Et Léon?

- On ne se voit plus. Léon n'était pas vraiment mon chien.

- Oui, moi aussi j'ai dû admettre ça.

- Léon n'est plus un chien et je ne suis plus un être secoué dans le vide. Nous changeons tous, le monde change.

- Euh oui.

Je suis mal à l'aise avec ce nouveau Troudup, je ne veux pas m'avouer que je préférais l'ancien, vulgaire, stupide,  avec son Léon que je comprenais mieux que lui.

Il me regardait avec un sourire que je ne parvenais pas à interpréter, quelque chose de désabusé mais qui questionnait en même temps, très étrange. Il m'a dit,

- Moi aussi je me dis parfois que la vie était plus simple autrefois, j'étais un homme facile à comprendre n'est-ce pas, facile à nier. On pouvait me repousser sans difficulté et je l'ai fait longtemps, mais voilà, j'ai changé.

C'est lui qui lit dans ma tête! J'allais lui poser la question, par où regardez-vous chez moi?

Il a disparu en disant:

- par les portes, n'est-ce pas, on entre. Et on sort.

Je constate que je comprends mieux la connerie que l'intelligence. Je suis vexée.

Troudup est devenu quelqu'un en s'échappant et je n'ai pas le mode d'emploi pour le récupérer.

Est-ce que je l'avais créé con pour le posséder ?


31 octobre 2010

Pas de saints chez moi.

- Eh bien, dit Dolstein, en voilà des histoires pour une histoire qui n'est qu'un roman familial. Finalement.

- Finalement quoi?

Dolstein va et vient dans l'Appartement, elle a trié les Michels, remis les (é)mois en ordre et monsieur Troudy respire un peu mieux aujourd'hui.

- Qu'est-ce que vous voudriez y faire, ma chère, les conventions, les us et coutumes, le réel ne va pas disparaître sous prétexte que vous voudriez l'Appartement en dehors de tout, protégé des influences dont vous ne voulez pas.

- Tout est possible ici, c'est l'Appartement.

- Vous ne pouvez inventer ce qui existe déjà. Vous élisez un des mondes possibles et vous voudriez en même temps profiter des autres.

- C'est exactement ça. Et je vais continuer.

Parce que moi, voyez-vous, me suis-je répondue à moi-même, laissant Dosltein en dehors de moi, moi voyez-vous ma chère, je n'ai pas peur de mes mois, je ne crains pas ma foule, je m'y retrouve, moi, figurez-vous.

Et non seulement je m'y retrouve (parce que j'y suis n'est-ce pas) mais encore j'aime y être perdue.

J'ai cru, autrefois, devoir abandonner tout mes petits autres, mais pas du tout, je fais ce que je veux ici.


Dolstein ne s'est pas laissée mettre à la porte de ma tête, elle se fiche de toute exclusion, c'est Dosltein ça, nulle part présente, partout chez elle.
Elle m'a répondu par ma voie intérieure, là où j'étais, tranquillement à l'abri de son écoute primordiale, en train de me causer:

- Toute liberté a un prix. Si vous ne faites pas vous-même le tri, il se fera sans vous.

Il n'y avait rien à répondre à ça, bien sûr, un soupir peut-être, un sourire?

Alors je suis allée me faire cuire un flan.

- Paulette, ça vous dit une part de flan?

- Sans vanille alors.

Car, si Paulette aime le flanc, elle est allergique aux arômes, naturels comme surnaturels.


2 novembre 2010

La Carte est le Territoire

Mais qu'est-ce que c'est ?

Sur mon clavier une enveloppe à mon nom.
Mais qu'est-ce que c'est ?
Mais qu'est-ce que c'est ?

Une enveloppe piégée ?
Que dois-je faire ?

Je suis comme une poule devant le couteau, ou bien je suis le couteau et la poule me scrute, ses petits yeux ronds tournant en gidouille pour m'hypnotiser.

Qui a déposé cette enveloppe ? Tant pis, j'ouvre.

Il y a dedans une carte avec un trajet surligné en rose fluo, la carte d'un monde inconnu.

Et un billet d'avion ? de bateau ? de train ? ou de Montgolfière, de rêve ou de n'importe rien que je ne connais pas.

Je n'ai jamais vu ce genre de ticket, mais je suis loin d'avoir tout vu.

Je suis censée faire un aller retour [ Appartement - tnemetrappA ]

Ben tiens, ça c'est signé Dolstein.

Je n'avais jamais songé  qu'elle pût m'écrire.

On voit qu'elle est vieille, non que son écriture soit faible ou tremblée, mais elle est
tracée au porte-plume trempé dans  l'encrier, avec des pleins et des déliés.
L'encre est violet foncé. C'est très joli.

La carte est belle aussi, beaucoup de couleurs éteintes, des fleuves, des montagnes, de la mer, de la plage, des noms ordinaires et poétiques, Littoral, Autoroute du Réel, Province de l'Imaginaire, Frontière du Symbolique.

Il y a des instructions pour la Douane, un Visa de la Réalité sur un passeport de Passante.

Il y a un "Manuel de survie dans l'Inconscient": Le Gros Malin, éditions Sommes Attiques.

Dolstein est contente, elle a réussi son coup, je l'entends rire depuis Batbourg.

H
umour Lacaniaque.

Je fais la poule et j'introjette par la fenêtre le vieux couteau sans manche dont j'ai perdu la lame.

Mais je garde la Carte et le Manuel.


16 novembre 2010

Dehors !

- Je ne suis pas accueillante ?

- On peut le dire ! râle une certaine Lizzie sortie tout droit d'un roman d'amour de bas étage, le roman, pas l'amour. Alors ça oui, ça c'est sûr, je suis venue dans cet Appartement, que soi-disant c'était entrée libre et cinéma permanent, et vous me mettez dehors ?


- Oh que oui ! De-hors !

L'Appartement ouvert à tous ? Mais pas du tout, absolument pas, l'Appartement est ouvert à qui je vœux, non mais!

Je sais que tout va et vient, que je suis soumise à la loi de la vie, tout circule et tout pénètre, bleah !, mais pas n'importe qui si je m'en aperçois à temps.

- Rentre chez toi, Lizzie Je-ne-sais-plus-qui, retourne Ici faire ton numéro.
Mais pas chez moi.
Non, pas chez moi.

Sale affaire.

Est-ce que je serais poreuse ?
Il faut remplir avec les petits Autres.
Les Autres, oui, justement qui se bousculent à mes portes et que je contiens.
A tort.

C'est leur tour, les nouveaux Autres doivent entrer, et les familiers, revenir.

- Heps! Heps heps heps !...

Lizzie est revenue, elle dit

- Je suis parmi les Autres, hein! Sinon, sinon, je ne serais pas là. Et d'ailleurs, je suis revenue n'est-ce pas, alors pas la peine de faire la mégère, je suis chez moi ici, autant que les autres.

Zutalors, que je me dis, plutôt que merdalors pour changer. Mince de truc, elle a raison, si elle est ici c'est qu'elle peut y être.

Autrement sinon elle n'eut pût y pénétrer.

Que faire, que faire?

Lui écrire une histoire ? L'installer dans un (autre) personnage ?

- Voilà! s'exclama Lizzie, voilà exactement pourquoi je suis venue, même si je ne le savais pas, c'est ça exactement!

- C'est ça quoi ?

- Un rôle, un personnage, un vrai, une femme en chair!

Des commandes à présent ! Mais on se demande qui commande ici ?

C'est Nous, répondit la rumeur harmonieuse de tous mes habitants.


17 novembre 2010

Lizzie

Alors il y a cette Lizzie, Lizzie Je-ne-sais-qui, à qui j'ai promis ce quelque chose, enfin, alors, euh...

- Alors quoi ? Alors quoi ? Dites-le, mince alors, pourquoi je saurais pas, hein ? Pourquoi je saurais pas qui je suis ?

- Je préfèrerais laisser venir ça tranquillement, je préfèrerais ne pas dire n'importe quoi, c'est à dire que je préfèrerais ne pas m'en remettre à la vérité, je préfèrerais inventer.

- Mais je m'en fiche moi, de ce que vous préférez ou pas, je veux savoir, tout, tout de suite !

- Oh alors, tant pis, ce sera la vérité.

Lizzie s'est assise, puis elle s'est levée, elle allait d'une pièce à l'autre, elle tournait en rond, puis elle s'est rassise, elle attendit la suite.

Elle était surexcitée et moi j'étais mal à l'aise.

J'aurais voulu avoir le temps de lui inventer une vie qui la satisfasse, dans laquelle elle se sente exister, du sur mesure, au lieu de quoi, pour cause d'urgence, je devais procéder sans distance, sans fards.

Bon, je me suis dis, c'est elle qui l'a voulu.

J'étais de mauvaise foi, Lizzie n'a rien voulu, elle ne peut rien vouloir, elle n'est qu'un personnage de papier.

Et ça me dérange que ça me dérange mais c'est comme ça, je peux la recevoir, je peux l'agréer mais la vie que je peux lui offrir ne vaut pas tripette pour ce qu'elle ne viendrait pas de mes tripes, ces tripes particulières, blotties dans la boîte crânienne, faites de tuyaux soudés, de circulations invisibles productrices d'étincelles aléatoires.

Lizzie donc, espérait, patiente à présent, touchante, elle attendait de naître.
Est-ce que je serais capable d'aller au delà de la vérité pour lui ouvrir les portes ?

- Premièrement, tu ne t'appelles pas Lizzie, ton vrai nom c'est...

- Elizabeth !

- Pas du tout. Tu t'es appelée Jacqueline Banault, tu vivais dans une cité d'urgence de la banlieue de Paris.

Tu voulais être comédienne mais là où tu vivais, les  filles ne devenaient pas comédiennes.

Il y a eu un garçon, puis un autre et plein d'autres, tu as eu beaucoup, beaucoup d'enfants.

Des filles exclusivement.

Parce qu'ils te jugeaient incapable (et le fait est que tu l'étais, incapable), les sevices  (il semblerait que le manque de r pour services soit un lapsus mais je me demande) sociaux te les enlevaient tout juste nées.

Elle me regardait toujours, des larmes coulaient doucement sur son visage lisse, elle avait les yeux vides, elle n'avait plus qu'une seule dimension, plate.

J'ai pensé elle est en train de fondre, elle va redevenir la fille de papier.

Est-ce que je pouvais dire sa vérité à mademoiselle pâte à papier ?

Tu n'existes pas, tu es une ébauche, tout juste assez formée pour figurer dans des romans médiocres et servir de pantin à des auteurs en mal de personnage?

Est-ce que j'en étais si sûre ?

Avec le doute enfin jaillit la lumière et je vis et je sus qui elle était, vraiment.

- Mademoiselle, je lui ai dit, arrête de te morfondre et écoute-moi bien, maintenant, je vais te dire la vérité. Voilà ce qui s'est passé: Jacqueline a disparu, elle était trop malheureuse, mais son rêve n'a pas disparu, lui.
Tu es ce rêve, cette Lizzie qu'elle rêvait d'être, c'est toi, mais...

- Quoi, mais quoi ?!

- Mais tu es une parmi les autres. Toutes les filles de Jacqueline sont un éclat. Tu dois les retrouver toutes, et alors seulement, vous formerez ensemble le rêve complet et tu-vous deviendrez une, complète, une grande comédienne et d'abord, une femme, une vraie.

- Vous m'aiderez ?

Et oui, j'allais l'aider, la clarté jaillissante de sa réalité m'avait prise par surprise, je l'avais adoptée, elle avait ranimée en moi cette Jacqueline malheureuse.

Pfff. Je n'avais pas besoin d'être une autre encore.

- Je vais te dire ton nom secret, il est ta certitude et ton vaisseau insubmersible: tu t'appelles Jeanne.

Elle a repris couleurs et volume et s'est évaporée en rêvant vers sa quête, et moi, j'ai remisé ma baguette magique et mon costume de marraine fée, et j'ai pensé à cette Jacqueline B. des Emouleuses, qui voulait être comédienne.

 

20 décembre 2010

Bon sang mais c'est bien sûr !

Un vieux machin se tenait devant moi, tête baissée, mains nouées, tout son corps crispé témoignait de sa confusion.

Il venait de nulle part chez moi, d'aucun manuscrit, d'aucun rêve, rien.

- Pourquoi êtes-vous ici?

- Mais chère petite, (crétin pensai-je très fort et il n'entendit rien, preuve qu'il n'était pas de moi) je suis partout chez moi quand arrivent les fins décembre.

- Genre la neige ?

- Oui, dit-il en relevant la tête, croyant en ma bonne volonté, sauf que moi je tombe partout, même en Californie par exemple.

- Vous êtes une sorte de Père Noël ?

Il s'épanouit dans un tourbillon, passant d'un coup du vieux bonhomme étriqué en costume sombre à un monstrueux obèse rubicond en drap rouge bordé de fourrure de bébé phoque.

- Ah, mon enfant, tu te souviens donc de moi.

- Pas de vous monsieur, non, je ne me souviens pas.

Il ne savait plus quoi dire, il se dégonfla dans la seconde, son costume toutefois ne disparut pas. Il était ridicule, son habit trop grand l'entourait comme un paquet cadeau mal ficelé et lui, piteux, ne savait comment sortir de son embarras.

Je décidai de lui expliquer la chose, car je fus une gentille petite fille.

- Le vrai Père Noël, mon vieux, personne ne l'a jamais vu. Celui auquel je crois encore malgré tout, est invisible et bienveillant. Il donne des preuves, c'est très mieux, voire extrêmement formidable, que les protestations oratoires. On appelle ça des cadeaux.

- Donnez-moi une chance, tenta l'imposteur.

- OK bonhomme. Je voudrais une pince à œillets, avec des œillets.

- Pas de problème.

- Et pas une merdouille bradée sur Internet, une vraie, du matériel de pro, pour faire des beaux trous ourlés de métal inoxydable et brillant.

- Ah oui. Bon.

- Et pas non plus une plaisanterie à la mords-toi l'nœud, comme un bouquet d'œillets avec une pince à épiler.

A la tête qu'il fit, je vis qu'il avait compté me rouler dans la farine.

- Voilà mon gars, à toi de jouer.

Pfft et pfft, il se dissipa dans l'air chargé de doute.

N'empêche, maintenant, je l'attends ma pince à œillet...


29 décembre 2010

Je n'ai pas le Temps

- Le temps... dit Dracula sur un ton alangui.

A demi allongé sur un divan bas, dans le salon atelier de l'Appartement, il joue vaguement avec un des Issus que je lui enlève, ce ne sont pas des jouets.


Dracula me déçoit.

- La neige en hiver, c'est normal.

Il a l'air tellement fatigué. S'il n'était pas si beau, ses yeux noirs étincelants, ses lèvres pulpeuses, le nez droit, le front clair et ce teint lumineux, jamais blafard malgré qu'il soit mort depuis, depuis...  S'il n'était pas si beau il ferait peine à voir.
Je me demande à quoi il a passé sa nuit, je m'inquiète.

- Et Braise ?

- Braise dort.

Il dit ça avec un sourire stupide qui me rassure. Le sourire fat, le voici. Pour la première fois j'utilise ce mot désuet, mais c'est bien un sourire fat qui enlaidit le bien joli Dracula.

Bon, ils vont bien ces deux-là, ce n'est pas une raison pour lancer des conversations stupides sur le temps qu'il fait.

- Je ne parlais pas de ce temps-là dit Dracula.

J'oublie toujours qu'ils peuvent entendre mes pensées, ça amuse monsieur qui précise,

- Le Temps. Ce soit-disant Temps de la soit-disant Éternité, Saturne, Chronos, la Faucheuse et toute cette mythologie de bazar, mais tout de même le Temps ?

Ah, ce Temps ! C'est moi l'idiote pour le coup.

- Je ne crois pas à son existence, ce n'est qu'une invention contingente. Pour des raisons commerciales, il fallait bien arriver à faire marcher le monde au pas cadencé. Alors, ils ont inventé le Temps, qui passe, pour tout le monde à la même heure. Le Temps qui encadre la vie, il fallait maîtriser ça aussi, un début, une fin, et personne n'est responsable de rien, de la naissance à la mort, c'est le Temps qui impose sa Loi.
Tu parles! Le Temps n'est rien.

Dracula sourit, toute fatigue effacée, je sais ce qu'il pense moi aussi.
Il est la preuve que le Temps n'existe pas. Ce qui existe c'est le sang, c'est Braise, et la vitalité de leur désir poignant et leur amour comme un oiseau palpitant.

Je n'ai pas le Temps, le Temps ne m'a pas


12 janvier 2011

Encore faim

- Je ne te manque pas assez, dit Frédéric.

- Quoi !? je lui réponds vexée, c'est même pas vrai que tu ne me manques pas assez ! Pas assez pour quoi d'abord?

- Pas assez pour devoir m'écrire.

- Ah ça.

- Oui, ça.

- Je ne veux pas que tu sois mort, je n'admets pas ton absence, tu as peut-être raison. Tu ne me manquerais pas assez ? Non, non, ça n'est pas ça, c'est que je n'ai pas besoin de l'écriture pour te faire vivre.

- Tiens, là maintenant, tu es là, tu me regardes pensivement, tu t'assois sur cette chaise sans fond qui me sert de porte serviettes, et puis tu files là-haut, encagné dans l'angle du plafond, maintenant tu fais l'andouille en flottant devant la fenêtre, je vois le ciel à travers toi. Voilà, tu es à et tu es là.

J'ai ajouté de la menthe sèche, que j'ai effritée entre mes doigts, à la soupe que je viens de faire. Quand elle a été cuite, je l'ai mixée très fine, je l'ai trouvée bonne, toi tu as dit elle est excellente, je t'ai entendu.            

C'est comme ça, je n'ai pas besoin de t'inventer.

- Eh bien il faudrait figure-toi, parce que que je veux rencontrer d'autres gens, avoir des relations avec plus de monde, quand bien même ça ne serait que des relations de flottement entre deux ciels. Mets toi au boulot. Termine ce manuscrit, ça me donnera de la présence pour d'autres que toi.

- Je suis égoïste, c'est ça ! Ben dis-le, hein, c'est ça, je suis la grande sœur qui ne pense qu'à elle !

- Oui.

Et il s'est évaporé par la vitre un peu sale du bureau. J'espère que ça ne va pas lui coller à... à je ne sais quoi. Que ça ne va pas lui coller.

Depuis qu'il est mort, il a presque tout le temps raison, si je l'envoie se faire voir, il aura pleins d'occasions de se tromper.

C'est une bonne idée.

1 juin 2011

Pipi Caca

- Le mot du jour, dit Melle de Lhéry: Procrastination carminative.

- Ah ben merde ! dit Troudup en tong avec une casquette Ricard, paskifaichô, qu'il dit, son bermuda porte des traces de barbecue. Ah ben merde qu'il redit, c'est quoi ? Hein, c'est quoi alors !

- C'est du français mon bon, lui répond mademoiselle de Lhéry. J'ai décidé d'élargir mon champ, je ne suis pas seulement cuisinière, je suis aussi lettrée.

- Tu débloques Denise, dit Myrtille, il a raison le Troudup, ça veut rien dire ton truc.

- J'inaugure une nouvelle rubrique: "Ouvrez un dictionnaire".

- J'irai demain au dico, aujourd'hui, ça fait chier dit Troudup soutenu silencieusement par Myrtille.

- C'est presque ça dit le docteur Tayeurt. Remettre à demain c'est procrastiner, ce qui n'entraînerait pas l'évacuation de matières fécales mais celle de gaz intestinaux.

Myrtille et Troudup sont outrés par le commentaire de Tayeurt, ils n'y comprennent rien, comme s'ils ne parlaient pas français !

- Quand Denise remet à demain ce qu'elle peut faire le jour même, ça la fait péter, traduit Fabiola sur un ton de maîtresse d'école.

- Ah mais je vous en prie, je voue en prie, bafouille Denise, rouge vif, c'est dégoûtant de m'attribuer ces...

- Bien fait, dit Troudup, et son honneur est restauré, c'est çui qui dit qui y est, et pis c'est tout.

- Exaque, dit Myrtille, pète un coup la Denise ça ira mieux.

Denise de Lhéry va renoncer à sa rubrique dictionnaire, mais Paulette Dolstein ne la laisse pas dans cet embarras,

- Mais si Denise, c'est une très bonne idée, soyez plus simple.

- Bien, dit Denise rassérénée, je vais explorer le lexique horticole. Que penseriez-vous de: Fumer la pelouse ?

- Passque t'as fini la moquette ? dit Myrtille en riant et Troudup rit aussi.

Et Melle de Lhéry mesure la sagesse du conseil de Paulette, car son public se réjouit.

 

8 juin 2011

Anatomie ?

- L'oignon du Père appelle à la barre le troufignon du Diable, dit je ne sais qui, de loin, très loin.

- Pas mal dit Rosaria, je le retiens pour un titre de roman policier si vous êtes d'accord.

- Oh, je réponds, moi je suis d'accord, je n'ai pas besoin du troufignon du Diable. Mais de l'oignon, si.

- Parfaitement, dit Denise de Lhéry, ne venez pas pêcher ici tous les mots qui vous amusent, ils sont à nous, propriété privée.

- Elle a raison, disent Celles-Qui, nous en avons besoin pour nos rubriques, la cuisine, le dictionnaire...

- Moi j'peux m'en passer dit Troudup.

- Ça, pour les conneries, tu manques jamais de rien,  dit Nono depuis le comptoir du Petit Renard.

- Mais, dit Corinne, c'est quoi un Troufignon ?

- Ce n'est qu'un mot, répond Denise, un mot très ordinaire, vous pouvez lui enlever cette majuscule. Et troufignon n'étant pas dans le dictionnaire, je le récuse.

- Qu'est-ce qu'elle récure ? demande Myrtille.

- Elle récure le troufignon, dit Troudup, c'est rien qu'une grosse cochonne.

- Ah mais je vous en prie, je vous en prie, dit Denise de Lhéry, arrêtez de m'impliquer dans vos propos salaces !

- C'est dans le dictionnaire dit Fabiola qui lit tout haut: troufignon (n.m.):(pop)orifice du rectum.

- Ah ! s'exclame Myrtille, orifice du rectum, pour dire trou du cul, non mais, si c'est pas de la salopiade ?

Denise soupire,

- Quelle idée, mais quelle idée que cette rubrique dictionnaire, si j'avais su, si j'avais su.

- Mais non, mais non, dit Fabiola, chercher des mots c'est toujours utile.

On pourrait croire, ou penser, que ce blog prend une tournure curieuse mais Paulette Dolstein et Lucien Übernix, son collègue, ne voient pas ça comme ça. Ils pensent qu'ils assistent aux prémices du développement d'une personne virtuelle et qu'il est dans l'ordre des choses que le sujet passe par les stades de la construction de sa personnalité.

- Certes, dit Fabienne Berman, mais où sommes-nous ? Avant le miroir, après, aux débuts du langage? Où?

- Ma chère, répond Übernix, c'est là que nous abordons aux rives du passionnant.

- En effet, dit Paulette, car nous n'en savons rien...


27 juin 2011

Carhaix dans l'Oigne.

L'air vibre de paroles sorties d'on n'sait t'où, car personne ne sait Tout.

C'est la voix neutre d'une machine qui se réchauffe jusqu'à prendre les couleurs de la voix humaine, riche, profonde, pleine de nuances. Mais nul corps ne l'incarne.

- L'Appartement part en vacances, dit La Voix, Paulette Dolstein s'installe à Malmont, pour travailler au Federal Ranch of Experimental and Diversited Ethicological Research International Corp. que dirige Lucien Übernix. En d'autres termes, elle part en vacances dans Bienvenue à la Fabrique, le manuscrit Frédéric.

Fabienne Berman ne veut partir nulle part, elle reste à l'Usine avec Robert Dieu.

Bruno Ragazzi s'est inscrit à un stage de SpeedIpsi dans le Larzac.

- Les moutons du Larzac, ça ne va pas te changer de Batbourg, se moque Berman.

- Tu sais parfaitement, dit Ragazzi, que nous avons toujours besoin de nouvelles données, Paulette va les chercher en Lozère et moi je vais me faire un oeil neuf dans l'Aveyron.

En réalité, chuchotte La Voix, Ragazzi prétend boucler à La Bergerie une psychanalyse complète en cinq semaines avec Roger Fourtou dit La Grande Freudaine, le gourou de la SpeedIpsi.

Ragazzi ne réagit pas, il n'a pas entendu La Voix.

- Il ne m'entendent pas toujours, dit La Voix, je parle pour qui doit m'entendre.

- Alors, inutile de chuchotter.

- Je fais ce que je veux, dit La Voix, et elle poursuit,

La Taulière part en voyage organisé dans un véhicule du genre batiscaphe astronautique high tech. Elle va retraverser les fleuves vasculaires, les continents pensants, les pays agités de soubresauts. Elle se prépare à chevaucher sa vie.

- Qui c'est çuilà? Hein, t'es qui toi?  dit Troudup au vide.

Comme les chiens entendent des sons que l'oreille humaine ne perçoit pas, Troudup entend La Voix même quand elle se croit invisible. Harcelé par ces sons parasites, il fait des gestes rageurs, comme si un essaim l'attaquait.

- Je suis Le Narrateur, dit La Voix, celui qui voit, qui sait, qui dit.

Troudup lève les yeux au ciel, qui sait, qui voit, qui dit, tu parles !

Troudup n'aime pas le changement, pourtant il veut déménager. Sa vie de personnage est figée à Batbourg.

- Je veux rien du tout oui, c'est La Patronne qu'a décidé.

- Vous partez pour aller où, lui a demandé Dolstein, le raccompagnant à la fin de sa dernière séance.

- A Carhaix.

- Dans le Finistère.

- Nan, Carhaix dans l'Oigne.


26 novembre 2011

La Vérité Tintin

: Troudup annonce: La vérité sur Tintin.

- Nan, dit Troudup, j'préfère pas qu'on mette Troudup.

- Je mets quoi alors ? demande Fabienne Berman.

- Ben chais pas, c'est vous qui communique.

- Pourquoi vous ne voulez pas Troudup ?

- C'est pas mon nom, j'm'appelle Troudy pour mon compte.

- Ah oui, mettons Troudy annonce, alors.

- Ben nan, tout le monde m'appelle Troudup, c'est plié.

- Bon, soupire Berman, et elle regrette d'avoir proposé son aide à Troudup. Qu'est-ce qu'on met ?

- Troudup cause.

- C'est "annonce" qui vous embêtait ?

- Ouais. C'est aux cartes qu'on fait les annonces, moi j'cause et pis c'est tout.

- D'accord. Troudup vous cause.

- Nan ! Troudup cause, ça suffit.

- C'est comme vous voulez. Pourquoi vous m'avez demandé un coup de main ?

- J'croyais qu'c'était plus compliqué.

- Eh bien, je vous laisse, voilà le clavier, à vous de faire.

Fabienne note que le rapport de Troudup à Internet est plus direct  qu'elle le croyait.

Mais en fait on dirait que non. Troudup se méfie. Quand il tape, avec l'index, une lettre sur le clavier, elle s'affiche sur l'écran, mais il doit vérifier qu'elles sont toutes conformes, il craint un complot de l'ordinateur qui écrirait à sa place, mais non.

- Alors, alors, alors, dit-il bien fort au cas où On débarquerait dans le bureau pour lui reprocher d'être là. Il attend, personne, il commence à écrire lentement le titre:

Troudup cause: Léon dit tout sur Tintin.

Puis il ajoute presque, et là, c'est parfait: Léon dit presque tout sur Tintin.

Il sent l'effort de l'écriture au bout de son index, ça suffit pour aujourd'hui.

Il vient d'inventer le feuilleton, la pipeaulisation de l'incélèbre et le teasing.

 

1 décembre 2011

Le Marché éclairant Le Progrès

C'est une fresque trouvée dans une grotte sous marine. On a pu la dater grâce à ses pigments très épais.

Leur matière est très riche en minéraux et éléments indégradables, les matériaux nucléaires notamment sont très présents, il s'agit sans aucun doute de la période qui va des années 1950 à 2050.

L'assemblée frémit, c'est un siècle dont il ne reste que très peu de traces, une découverte de cette ampleur est  un évènement unique.

A la base de la paroi qui porte la fresque, une séquence sémantique est inscrite: Le Marché éclairant Le Progrès.

L'orateur sourit et se tait, il n'a plus rien à dire.

L'assemblée est perplexe, le silence s'installe pour longtemps, Marché, éclairant, Progrès, quel peut être le sens de ces signes ?

Ceux de l'Appartement ricanent. Pas tous en réalité, Ceux-qui-savent ricanent, ça fait pas mal de monde. Je réalise à l'instant que la majorité de mes personnages sont des sachants.

Je suis bien embêtée, tous mes personnages sont plus intelligents que moi. Ils me disent tous: ça t'apprendra, bien fait pour toi, pour qui tu te prends.

- Alors quoi, je leur dis, mon histoire ne vaut rien parce que d'autres ont eu des idées avant moi ?

- C'est pas la question, répond Chauze, le légiste de l'Apocatastase.

- La question, dit Mani, c'est que La Planète des Singes, 1984, c'est très, très bon.

- La question, dit le pape aveugle (il vient du même manuscrit que Mani, il ressemble à l'acteur Michel Robin et Mani à Sami Frey vers trente ans), la question c'est de faire autre chose.

- C'est ça dit Troudup, c'est ça !

- C'est ça quoi, je lui réponds, c'est ça quoi , vous les avez lus ?

- Nan, qu'i dit le Troudup, j'ai vu les dessins animés, c'est vachement bien.

Pff, je me dis, c'est vraiment dur de vivre avec eux tous. Mani et le pape viennent du moyen âge, ils découvrent tout juste dans "Mani" que la terre tourne. Qu'ils aient pu lire 1984, et La Planète des Singes, c'est une distorsion temporelle inadmissible,  et qu'ils me reprochent de venir après Orwell et Pierre Boulle, c'est de la grande mauvaise foi, merdalors.

-  A propos de mauvaise foi, dit Dolstein, n'oubliez pas que c'est vous qui avez fait les règles.

Ah oui, je les ai faites, moi je les pense et vous les vivez. Je ne contrôle pas grand chose, le seul paramètre que je maîtrise c'est la naissance des nouveaux occupants. Et encore, les personnages évoluent sans moi, je n'avais pas prévu que Troudup  devinsse (tiens, prends ça) intelligent, à sa manière. (Sans compter ceux qu'ils pourraient ramener mais ils ne l'ont pas encore fait, fermez la parenthèse s'il vous plait, je préfère qu'ils ne lisent pas ça)

Michel Troudy alias Troudup était un archétype du con mais dès qu'il a eu la liberté de ses actes et de ses pensées, grâce à l'Appartement, il s'est mis à penser son existence. Heureusement que les manuscrits sont bouclés sinon, il pourrait s'échapper de son personnage et mes livres se déferaient tout seuls.

Au fait, la grotte sous-marine, ce n'est pas une grotte sous-marine, c'est le un pour cent culturel d'une entreprise du CAC 40 (qu'est-ce que ça peut bien pouvoir dire ces signes ?). La fresque couvre tous les murs du hall du siège social rue Simon-Crubellier à Paris. Rachel Zukolowsky, qui vit dans "Des Voies Obscures", traduit des modes d'emploi pour cette Société Anonyme.

C'est pas de ma faute si ça existe, ça existe et c'est tout, je ne suis pas responsable de l'invention du monde, c'était déjà là.

 

25 décembre 2011

Mortivité

J'ai pensé fort: bon anniversaire mais je n'ai rien dit. Déjà bien beau qu'on soit encore là pour l'entendre, encore là pour le dire.

- Euh là ! Pardon ! Ce serait-y le blues de Noël ? C'est qui qui trinque à sec ? C'est qui qui pleure en douce ?

Je suis prise de court, j'ai d'abord cru que c'était Troudup, mais non. D'ailleurs Troudup réveillonne au Petit Renard tous les 24 et tous les 31.

- Décembre ?

- Non, tous les 24 et 31 du mois, sauf en février.

- Et les mois en 30.

- Oui, il y a les mois en 30 et les mois en r.

- On ne dit jamais les mois en 30.

Je ne sais toujours pas qui parle, quelqu'un de passage ?

- Eh non, répond-il, vous me connaissez, mince alors, je n'aurais pas dû laisser sortir ces mots-là de cette bouche-là.

- Ah! Lucien Übernix, ça alors ! D'où vient que je ne vous ai pas reconnu ?

- Pour une raison simple, très chère, dans votre presque fond du trou, vous êtes très plate. N'y ayant accès qu'à une seule dimension, votre intelligence naturelle est dramatiquement réduite et vous voilà transformée en perroquet à clichés, en stupide bonne femme.

- Quand même, cette façon de parler, ce vocabulaire ...

- So what ? Vous êtes encore hébétée par votre grand chagrin ? Pauvre petite solitaire à Noël, pas même une allumette à vendre ou à brûler ? Pauvre veuve de frère, comment nomme-t-on ça ? Flûte ! Aidez-moi!

- Je ne sais pas.  On est orphelin de parents, on est veuf de conjoint, mais de ses enfants on est éternellement le père, la mère, et quoi qu'il arrive, on reste inexorablement le frère ou la soeur. Comment appelle-t-on le dernier à parler une langue ? Comment dire le survivant d'un monde ? Amputé ?

- Ah! Vous m'agacez ! Quittez vos préoccupations de comptable, cessez d'aligner les pertes, tirez un trait.

- C'est fait.

- Maintenant, écrivez le total sous le trait.

- Ça ne s'additionne pas.

- Quand même! Ça revient on dirait. Un peu de lumière, une étincelle de raison ? Ou un éclat de coeur ?

J'ai le sourire, Lucien Übernix s'évapore et se cristallise dans "Bienvenue à la Fabrique". Là, installé dans un labyrinthe construit par Alzheimer Aloys, il a pris le rôle du fils,  mais il bat des ailes sans s'approcher du soleil de la vérité qu'ils cherchent tous.

Lucien a inventé une science où la mémoire fait défaut, où l'intelligence jaillit toute nue du puits de l'ignorance, depuis son vide il interpelle. Ses pourquoi sont plus fertiles que tous les parce que des recherches qu'il mène en parfaite liberté.


29 janvier 2012

Un, deux...treize, cinquante-trois, quatre-vingt-dix--sept...

- Kévin Hyckse.

- Hein ?

- Je suis Le Recenseur.

- Ah oui, je lui tends la feuille couverte de signes. C'était un peu juste je lui dis, parce qu'il y a du monde ici.

- Fallait me dire, j'ai des fiches annexes.

- Oh alors, il faut peut-être recommencer.

- Oui, qu'il dit, faut tout refaire au propre, je ne peux pas rendre ça.

La feuille est illisible, on dirait une écorce desséchée, mais j'avais mis tout le monde il me semble.

- Ah oui, dit une voix inconnue, et moi, hein, j'y suis ?

Ça dépend, je réponds, vous êtes qui ?

- Oh mère ingrate, oh la vache, renier sa créature à la première rencontre, putain, merde, c'est pas bien.

- Troudup a un fils ?

- Hein ? Quoi ? J'ai rien fait dit Troudup, il parle en dormant.

- Je suis Mandrake, dit l'inconnu.

-  Ah oui, Mandrake. Vous êtes gonflé ! Je ne vous ai même pas encore écrit, faut pas exagérer, attendez d'exister avant de vous plaindre.

Il se trouve que Mandrake est prévu dans Bourg-Les-Nains, un manuscrit presque bientôt terminé, mais enfin, pas encore.

- Ben c'est qui alors, s'il n'existe pas, demande Kévin Le Recenseur, c'est qui le type-là que vous dites qu'il est pas encore là ? J'y comprends rien moi.

- Et moi alors, dit un drôle de corps à l'accent slave.

Il parle mal mais il a du mérite, étant donné qu'il n'a pas de tête, à faire valoir son existence.

Il lui manque aussi un bras ou deux mais ce n'est pas ce qui gêne le plus pour parler. Lui aussi il arrive de Bourg-Les-Nains.

Je crois qu'il est temps de finir leur histoire, ça déborde.

5 juillet 2013

Le Feu et La Glace

- Il fait beau dit Braise, morose. Elle pense au mariage avorté de Lady Me et Lord KK.

- Ah bon, dit Dracula. Il la sent presque triste aujourd'hui.

- Il y a des jours, dit Braise, où notre situation n'est pas facile.

- C'est vrai de chaque jour, dit Dracula. La nuit, c'est notre moment.

- Pourquoi la nuit ? dit Braise.

En guise de réponse, les dents de Dracula brillent dans son sourire comme comme son désir dans ses yeux.

Elle ferme les volets, tire les rideaux, fait le tour de l'Appartement et puisqu'il est vide, ils iront partout y faire le jour ce que d'habitude ils font (surtout) la nuit.

Quelle bonne idée, pense Dracula, que cet Appartement aux pièces innombrables.

Braise, incandescente, ne pense rien du tout.

 

9 juillet 2013

Vacances

- Ben, dit Troudup, c'est les vacances !

- Mais pas dans l'entrée !

- C'est les vacances partout ! qu'il dit encore, têtu.

- Mais le hamac, pas dans l'entrée !

 Je ne sais pas pourquoi j'insiste... il a raison, c'est le meilleur endroit.

- Ben oui, personne passe par l'entrée, et les petits courants d'air qui coulent par dessous la porte, ce serait donnage de pas en profiter.

Il transpire à nouer les cordes du hamac, en bermuda, pieds nus, le Marcel tendu, il sent l'air rafraîchir sa peau humide, il est content.

Léon le regarde sans rien dire et va lentement se coucher sur le seuil. Il absorbe toute la fraîcheur, ses poils frémissent, il se dit, c'est ça la vie de chien.

- J'm'en fiche, dit Troudup, y a la serrure. Hier, c'était bouché, j'y ai craché un bon coup et hop, roule Raoul, c'est reparti.

- Pourquoi pas partir ? je lui demande.

- Partir pour quoi faire, j'ai l'hamac, j'ai l'courant d'air et pour voir du pays, y a pas mieux que L'Appartement.

 

2 janvier 2014

Over the rainbow

Huit, quel beau chiffre pense Nono en alignant les carafes sur le comptoir, beau parce qu'il appelle le neuf.

- Car Huit n'est pas complet, en vérité Je vous le dis, pense le Père Phouettard grisé par le vin de messe qu'il a préféré boire que jeter pour clore le compte fournitures 2013.

En Vérité il nous le dit, Huit ne saurait représenter quoi que ce soit, sauf, en l'allongeant, oui, en l'allongeant, bon sang, bon sang, en la longeant Huit devient le Tout, qui n'a ni fin ni commencement, Huit debout n'est rien, Huit couché est Le Rien, Le Tout, l'Infini. Quand il est sous l'emprise, le père Phouettard flirte avec les hérésies.

- N'empêche répond Nono tout haut aux développements muets du curé de Batbourg, avec neuf carafes, j'ai l'Arc en Ciel en mieux:

El Diablo

                 Godfather

                                      Japanese slipper

                                                                       Grasshopper 

                                             Nuage bleu         

                 Indigo cocktail              

Purple  Mojito                                                                                                                   

A quoi il ajoute noir et blanc parce que les sept couleurs de l'arc en Ciel ne suffisent pas, dixit Nono, à traverser la dernière nuit de l'année.

Irisch Coffee et Russe blanc  

 - Un demi et qu'ça saute !

- Ah ben non, répond Nono à Troudup, tu vois pas qu'j'ai hissé les couleurs ?

- J'peux encore prendre un apéro avant de boire ou bien ?

Nono sert une pression, Troudup est un homme bien élevé, il boira de tout.

 

3 janvier 2014

Il était une fois...

Melle de Lhéry clopinant jusqu'au Petit Renard se réjouissant au point que chacun s'en avise, c'est un tableau nouveau.

Chemin faisant elle lit le dernier tract du Corbeau, les deux premiers ont été déposés au Petit Renard, le troisième, elle l'a trouvé dans sa boîte à lettres.

– 3 –

Prof

Il était une fois une va-de-la-gueule.

Comme elle était chiante ses parents la nommèrent Prof.

Elle lisait sans les comprendre des tonnes de livres qu’elle revendait au prix du neuf à des plus cons qu’elle.

Quand elle devint pubère ses parents voulurent se débarrasser d’elle. Ils tentèrent de la marier mais le dernier connard célibataire n’était pas assez babache pour s’y coller.

Tous les matins elle se regardait dans la glace et pourtant elle se trouvait belle. 

Des suites d’une mauvaise chute elle tomba invertie.

Pour occuper ses nombreux loisirs, elle se mit en ménage avec Blanche-Neige, ce qui ne porte pas à conséquence, car, comme chacun sait, Blanche-Neige est une grosse salope.

Elles se disputèrent et se foutirent sur la gueule : le secret ne fut pas gardé  mais tout le monde se fichait royalement de ces deux traînées.

Elles n’eurent pas d’enfant, et c’est pas plus mal parce qu’il leur aurait sûrement ressemblé.

Melle de Lhéry y mettra le temps qu'il faut, mais elle saura qui est qui, elle saura tout.

Elle en rit toute seule devant Le Petit Renard, elle rit tellement qu'elle ne peut plus s'arrêter, pourtant, il y a à Batbourg quelqu'un qui ne trouve pas ça drôle.

- Trois, dit Dolstein.

 

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